Mondial de l’automobile : la fée électricité n’a pas de baguette magique pour sauver la bagnole
Article mis en ligne le 3 octobre 2010

par Claude-Marie Vadrot pour Politis

Les rédacteurs automobiles, celui du Monde ou de France-Inter par exemple, qui veulent sauvegarder leur gagne-pain et beaucoup d’autres journalistes qui souhaitent sauver la civilisation automobile nous servent depuis quelques jours la recette que les volumineux dossiers de presse leur suggèrent depuis des semaines : la bagnole, dieu soit loué, sera sauvée par l’électricité. Déjà, ils oublient que ce numéro nous a été joué à plusieurs reprises. Pour la première fois en 1965 quand la Régie Renault a présenté au public une première voiture électrique dont elle affirmait alors que « dans quelques années » tout le monde roulerait en se branchant sur un réseau qui n’était pas encore nucléaire. Ce n’était pas une première puisque les premiers modèle « tout électrique » ont circulé au XIX éme siécle puis au XX ème siécle, ce qui ne plaisait évidemment pas aux marchands de pétrole. Donc, tous les projets, sérieux ou non, avortèrent rapidement. Electrique ou pas, une voiture reste une voiture. Si la voiture était une solution, les administrations publiques auraient fait ce choix depuis longtemps.

Depuis, à chaque fois que la conjoncture économique et sociale, ou la sagesse, incitent les acheteurs à prolonger la vie de leurs vieilles voiture (oui, je sais, il parait qu’elles polluent plus) les constructeurs nous font le coup de la bagnole électrique miracle. Cette fois, ils imaginent qu’ils sont portés par une (relative) prise de conscience d’une urgence écologique dont ils n’ont évidemment rien à faire. Et les voilà qui sanglotent sur l’épaule de Nicolas Sarkozy et sur celle de la ministre de l’écologie, Chantal Jouanno qui ne manquera pas de visiter le « Mondial de l’automobile », en expliquant que la prime à la casse leur avait permis de caser de nouveaux modèles et que c’est fini ! Initiative soi disant prise au nom de l’économie d’énergie, mais en oubliant, comme Jean-Louis Borloo qui invoque le Grenelle de l’environnement pour construire de nouvelles autoroutes, que la construction d’une nouvelle voiture (fut-elle recyclable à 80 %) entraîne une dépense d’énergie et des émissions de gaz à effet de serre bien plus importantes si l’on garde son vieux carrosse jusqu’à l’usure. Ce qui m’incite à conserver la mienne qui date de 1987 et qui me rend encore, même de plus en rarement, des services. Depuis longtemps, ces constructeurs sont pris en tenaille entre leurs prétentions à faire des modèles qui tombent moins en panne et la mode de la voiture jetable dont il faudrait changer au bout de deux ou trois ans. Ils auraient trouvé la solution miracle en nous vendant des voitures électriques bien plus chères que les autres...

Donc, le recours au scintillement présenté comme magique de la fée électricité n’a pour fonction que de nous faire croire que les constructeurs automobiles sont intelligents et veulent sauver la planète. Non, ils veulent simplement ravaler leur image de marque. En oubliant au passage que la fameuse électricité ne pousse pas par miracle au pied des immeubles ou dans les champs. Il faut la produire. Avec des centrales nucléaires, par exemple. De plus, il suffit de parcourir les allées du Salon de l’auto, que l’on me pardonne cette vieille appellation, pour voir qu’au delà de l’entreprise de communication, ce sont les bonnes grosses vieilles bagnoles qui colonisent les stands et les carnets de vente. : l’adoration du dieu voiture n’est pas derrière nous et on lui sacrifie encore de longs alignements d’arbres le long ses nationales et des départementales en leur reprochant, comme le Président du Conseil général du Loiret, de se précipiter au devant des automobilistes qui roulent trop vite ou sous imprégnations alcoolique.

Si je conteste la voiture, on m’objectera les emplois. Comme pour la production des armes multiples que nous vendons chaque année pour une somme qui avoisine les 10 milliards d’euros par an. Mais, comme il y a bien longtemps que le capitalisme français ne se préoccupe plus de ne pas « désespérer Billancourt », la question pourrait être bonne si la réponse n’était pas stupide. Comme je n’ignore pas que trop de zones rurales et trop de banlieues manquent de transports collectifs, je me dis qu’il suffirait de transférer progressivement les emplois (plus exactement les machines qui suppriment les emplois) vers une production massive de métro, de trams, de trains, de bus et d’équipements permettant d’offrir à chacun, quel que soit sa résidence, un moyen d’aller facilement au boulot et de fréquenter les espaces de loisirs sans attendre le bus ou le métro des heures et sans être transportés dans des conditions déplorables. Mais les Christian Gérondeau et tous les arnaqueurs de la « liberté offerte » par la voiture, ne veulent pas lâcher les rênes de leurs fantasmes. Au point de condamner tous ceux qui, désormais, sont présentés de façon subliminale comme de mauvais Français parce qu’ils font le choix du deux roues ; à pédales ou à moteur, engins dont le bilan énergétique et écologique est largement supérieur à celui de la voiture.

La fée électricité qui refait provisoirement son apparition fait l’impasse sur le pillage à venir des quelques pays qui possèdent les réserves de lithium pour les batteries. La fée électricité ne part à l’assaut médiatique des automobilistes que pour redorer le blason d’une fin de civilisation. Mais n’allez pas dire cela aux caciques de l’UMP qui se sont plaints vertement de la grève du 23 septembre qui a empêché certains de gagner Biarritz pour les journées parlementaires de la majorité en avion. En oubliant qu’ils pouvaient prendre le train...