Aujourd’hui, il en va de la culture, de la consommation, de l’éducation, de la santé, comme de l’élevage intensif.
image monde diplo novembre 2020
Alors que cette pandémie pourrait être une formidable opportunité de retrouver des petites échelles de productions culturelles, de stimuler une diversification des petits commerces, de travailler à la réduction de la taille des classes d’étudiants, de lycéens...seule la grande échelle fait loi. Et donc, en période de pandémie, nous voilà contraint de tout arrêter en attendant « le vaccin » pour pouvoir massifier à nouveau nos pratiques culturelles et d’enseignement. La massification de la consommation elle, ne s’est jamais arrêtée, elle est reine en ce monde.
Prenons-nous à rêver d’une culture où on autoriserait les spectacles, les cinémas et les concerts avec de petites jauges. A rêver d’un enseignement supérieur où on ferait de réels efforts pour les étudiants, en faisant des sous-groupes à distance et en présence (comodalité), avec une alternance des présents et distants. Un enseignement supérieur, où grâce à de l’embauche, on soutiendrait les enseignants-chercheurs dont les missions se sont complexifiées avec la pandémie et notamment à cause des grands effectifs d’étudiants en licence.
Prenons-nous à rêver de grandes surfaces dont on réduirait là-aussi la fréquentation, au même titre que les lieux de culture et d’enseignement. D’entreprises non-essentielles qui ralentiraient leurs activités.
Dans tous les lieux accueillant moins de public, il y aurait des référents covid (équivalent des personnes formées aux premiers secours) pour accompagner la distanciation sanitaire. Le public apprendrait vite à ne pas s’agglutiner, à garder ses distances comme dans les vols d’étourneaux qui ne s’entrechoquent jamais.
Tous ces ralentissements de pratiques à grande échelle pourraient ralentir la circulation du virus et se substituer au confinement, tout en développant un niveau d’immunité naturelle qui sera complétée par l’immunité vaccinale, quand les vaccins pourront être distribués de manière ciblée et équitable, du fait de leur faible disponibilité.
Un ralentissement qui nous responsabiliserait tous, en nous apprenant à circuler, à nous tenir dans un groupe. Tout le monde aurait ainsi l’opportunité de trouver sa place pendant la période de pandémie, de construire d’autres manières d’être ensemble, d’autres manières d’étudier.
Une citoyenneté éclairée, qui partagerait les espaces de vie, qui s’écouterait et se regarderait, qui ralentirait tout en ne s’arrêtant pas d’être ensemble.
Au lieu de ça, on nous traite comme des bêtes, et nous nous comportons comme des bêtes. On nous confine, on nous libère, et on ne sait toujours pas se comporter dans une situation publique. Nous avons si peu appris.
C’est un peu comme si nous ne voulions que du « grand format » pour tout, avec injection massive de vaccins pour tout sécurisé.
Cela ressemble étonnamment aux élevages intensifs industriels de cochons qui supplantent irrémédiablement les petits élevages, en arguant que ces derniers ne sont pas assez sécurisés. Nous sommes dans le même schéma aujourd’hui avec les hommes : nous attendons le vaccin pour tout re-massifier.
Ceci constitue un sujet majeur de divergence entre une modernité qui cherche à tout maitriser par les technologies, et un monde résiliant, responsabilisant, à l’écoute des hommes et du vivant en général, conscient d’une indisponibilité du monde, [1]. Deux mondes qui ne sont pas prêts de s’entendre et très difficile à situer politiquement. Les clivages gauche droite ne sont plus les bons repères dans le cas de cette crise sanitaire, comme dans le cas de la crise écologique pour laquelle Bruno Latour parle de territoires incompatibles [2].
Dans les opposants actuels à la gestion du covid-19 on trouve des courants de droite et de gauche, défendant selon leur sensibilité la prévention des inégalités sociales, l’augmentation des moyens hospitaliers ou la liberté de prescrire des soins précoces controversés, contre un front de modernisation hyper-technologisé et mondialisé qui ne mise que sur Big pharma.
La complexité de ce paysage politique, simplifié et stigmatisé par les médias, fait hélas les choux gras d’un gouvernement qui décide sans concertation, dans le secret d’un conseil de défense sanitaire.