Automobile: des usines françaises sous-utilisées qui inquiètent
Article mis en ligne le 9 août 2009
dernière modification le 6 août 2009
La production automobile française, déjà ralentie depuis plusieurs années, a encore fortement réduit la cadence avec la crise, suscitant des interrogations sur le maintien de toutes les capacités d'assemblage en France. Le taux d'utilisation des usines s'élevait à "environ 80% avant la crise", il est désormais "inférieur à 60%", note Yann Lacroix, directeur des études sectorielles chez l'assureur Heuler Hermes SFAC. Renault fait état d'un taux de 56% en 2008, sur une base de 5.000 heures de travail par an (production en 3x8, cinq jours par semaine). PSA, sans fournir de chiffres, confirme "un creux historique au quatrième trimestre 2008". Toute l'Europe souffre de "surcapacités de production", soulignait dernièrement son PDG, Philippe Varin. Un constat partagé par les syndicats: la surcapacité, "on vit avec depuis plusieurs années", commente Fred Dijoux de la CFDT Renault. L'activité automobile en France, en baisse tendancielle, a connu un effritement supplémentaire "à partir de 2006" et un "effondrement" à partir de septembre-octobre 2008, les constructeurs ayant préféré écouler leurs stocks par crainte d'un plongeon des ventes, détaille M. Lacroix. Depuis, elle a repris des couleurs avec les "primes à la casse" en Europe, mais la mesure a plus profité aux petits véhicules, plutôt assemblés à l'étranger, surtout chez Renault dont les usines turque, roumaine ou slovène fonctionnent à plein régime. La question du maintien de toutes les capacités d'assemblage en France "mérite d'être posée", estime Yann Lacroix. "Il faut résorber les surcapacités, si l'on veut que l'industrie automobile soit compétitive", affirme Laurent Petizon, du cabinet de conseil AlixPartners. Les constructeurs ont d'ailleurs déjà "discrètement" réduit la voilure, note M. Lacroix, citant l'exemple de l'usine Renault de Flins. Renault et Peugeot assurent pourtant ne pas vouloir toucher aux capacités de production en France. Elles sont "parfaitement adaptées aux hausses et baisses de production", argumente-t-on chez Renault. La moitié de la production est faite en France, y compris certains petits véhicules, fait valoir Peugeot. Toutefois, "la tendance est au +compactage+ des usines, une réduction physique de la taille des usines pour être plus compétitif", qui s'accompagne de "réduction des capacités, sans que les deux soient forcément liées", reconnaît un porte-parole de PSA. Certains syndicats estiment, eux, que la surcapacité en France est un choix délibéré des constructeurs: "petit à petit, on provoque le déclin des usines" françaises, estime Christophe Delaine de Sud Renault. "Ils ont tendance à +armer+ les pays à bas coûts, plutôt que les usines françaises". Même tonalité à la CGT Peugeot. Pour son représentant Bruno Lemerle, le compactage relève d'une politique "très claire en matière de délocalisation", alors que "tous les constructeurs développent des capacités de production dans d'autres pays". Pour autant, aucun site ne semble actuellement directement menacé de fermeture: le soutien accordé par l'Etat au secteur, notamment les prêts aux constructeurs, est en effet conditionné au maintien des usines et à l'absence de plan social. Ces accords n'empêcheront pas "la baisse de la production" et "le désastre humain que ça implique", juge M. Delaine. Reste que pour un constructeur, fermer complètement un site comporte des risques "marketing, commerciaux et psychologiques énormes", souligne Yann Lacroix. La fermeture de l'usine belge de Renault à Vilvoorde en 1997 avait ainsi provoqué un tollé en Belgique et en France et entraîné un boycott de la marque. selon l'AFP