Grands prix de F1 : halte à la bulle des circuits !
Article mis en ligne le 16 octobre 2009
dernière modification le 4 octobre 2014

Après la bulle spéculative dans la finance, la bulle des circuits de Formule 1 ? Ce sport mécanique, né en Europe, se dispute aujourd’hui autour de dix-sept grands prix par an, dont sept dans l’Union européenne. Mais la mort du Français Magny-Cours en 2009 nous pousse à nous interroger sur cette histoire qui vit un tournant en raison de « frais de plateaux » faramineux. Sans même évoquer la disparition du grand prix d’Estoril au Portugal en 1996, qu’Alain Prost considérait comme le meilleur circuit de F1 au monde. Que s’est-il passé au juste ?

Les grands prix sont gérés par des entreprises privées qui ont à leur charge des « frais de plateau » sous la forme de forfaits à la FOA (Formula One Administration, avec à sa tête le célèbre Bernie Ecclestone). Il s’agit de sommes exorbitantes (275 millions d’euros au total en 2008 pour 18 courses) qu’elles sont contraintes de payer pour avoir le droit d’inscrire leur course au prestigieux calendrier du championnat du monde de F1.

Les subventions de certains pays causent une « bulle des plateaux »

Or certains nouveaux grands prix sont aujourd’hui publiquement subventionnés (Asie, Moyen Orient). L’analyse des grands équilibres d’une course notamment en Europe ou dans d’autres pays développés révèle que la rentabilité d’un tel projet est remise en cause par la montée en puissance de nouveaux acteurs intégralement publics sans fondement économique. Leur présence génère un phénomène de « bulle des plateaux », par analogie à la bulle financière.

Résultats : aujourd’hui, de nombreux grands prix doivent emprunter pour contrebalancer le fait qu’ils ne sont pas subventionnés. Ainsi, tout un système est fragilisé et menacé de faillite, les grands prix étant incapables de payer les frais de plateau.

En Belgique, après des pertes en 2004, l’organisateur privé DDGP a été en octobre 2005 dans l’impossibilité de rembourser le prêt de 17,7 millions de dollars octroyé par les pouvoirs publics locaux pour faire face à ces coûts. En Grande-Bretagne, Octagon Motorsports, qui a obtenu les droits de l’organisateur du grand prix en 1999, a dû retourner ces droits à la FOA en 2004 à cause de forfaits de plateau F1 en augmentation. En Allemagne, Hockenheim est régulièrement en déficit…

On a pourtant tendance à oublier que cette masse de fonds investis dans le secteur a des impacts économiques et sociaux forts. Il y a tout d’abord les retombées économiques pour la région d’accueil : tourisme, hôtellerie, sécurité, accueil, etc… La F1 permet aussi l’accélération de la diffusion des technologies de pointe vers le secteur automobile. Entre mille exemples possibles sur le freinage ou l’éclairage, l’introduction du turbo en F1 par Renault dans les années 1970 a contribué à son intégration et à son utilisation à grande échelle sur les voitures grand public.

Technologie, tourisme : les retombées de la F1

(NDLR voir)

En 2009, une nouvelle technologie, le Kers (Kinetic Energy Recovery System),(NDLR voir) est expérimentée et pourrait de la même manière être intégrée aux futures voitures commercialisées sur le marché. Ce système permet de récupérer l’énergie dégagée lors des freinages pour bénéficier ensuite d’un surplus de puissance et d’accélération pendant quelques secondes. Avant cela, la Formule 1 a contribué au perfectionnement du freinage ABS ou au changement de vitesses au volant mais également aux améliorations permanentes des moteurs.

Il faut donc repenser le modèle économique de la F1 pour lui donner un second souffle, tant qu’il est encore temps : la solution repose sur la FIA (Fédération Internationale de l’Automobile) et la FOA. Il faudrait notamment que Bernie Ecclestone applique un certain nombre de propositions concrètes pour redonner du sens à une activité économique réelle mais biaisée par les distorsions de marché.

En premier lieu, la réduction, voire la suppression des frais de plateau. En effet, aberration du système, ces frais de plateau pourraient être financés par des droits commerciaux ou des sponsors. A l’heure actuelle, ces derniers reversent 550 millions d’euros aux écuries et 33 millions aux organisateurs, soit 10% du montant des frais de plateau…

En viendra-t-on à subventionner ce « sport de milliardaires » ?

Ensuite, il faudrait clairement reverser une partie des droits télévisés aux différents circuits. Il pourrait être envisagé que l’on ouvre la perception d’une partie des droits TV aux circuits et aux organisateurs de grands prix. C’est en effet grâce à eux que les courses de F1, retransmises à travers le monde, ont lieu et c’est le circuit de l’organisateur que les millions de téléspectateurs voient sur leur écran.

Il serait donc économiquement justifié qu’une large partie de ces droits leur reviennent, leurs efforts ayant contribué à la réalisation du spectacle. Enfin, il faudrait leur verser une plus grande partie de la publicité de bord de piste et du sponsoring (230 millions d’euros par an). Avec la billetterie, la pub et le sponsoring du grand prix devraient logiquement figurer parmi les recettes principales des organisateurs privés.

Ces derniers ont cependant du mal à négocier une part équitable de ces revenus à cause des pratiques des gouvernements du Moyen-Orient et en Asie qui, eux, paient rubis sur l’ongle pour entrer dans la cour des pays organisateurs de grands prix de Formule 1. Avec ce modèle, les organisateurs ne peuvent vraiement gagner de l’argent que si l’Etat les subventionne, comme au Moyen-Orient. Le Bahrein finance sa course sur la taxe pétrolière…

A défaut de voir ces mesures appliquées, il ne nous resterait plus que de demander à nos pouvoirs publics de subventionner ce « sport de milliardaires »…

Avec François Ladsous, marketing manager, Altran Financial Services.

Photo : Fernando Alonso sur McLaren à Magny-Cours en 2007 (Régis Duvignau/Reuters)