Mais que dit au juste, sous son reluisant vernis funkytown, la dernière campagne d’Areva, projetée sur les écrans ciné depuis une semaine ? Que le groupe met l’accent sur le renouvelable ou bien que le nucléaire est propre et s’inscrit dans le sens de l’histoire au même titre que le vent ou le charbon ?
Le jury de déontologie publicitaire va devoir en décider : l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) a été saisie ce mercredi d’une plainte par l’eurodéputée Corinne Lepage et Arnaud Gossement, avocat en droit de l’énergie (collaborateur de Lepage), ancien porte-parole de France Nature Environnement. Motif : le spot serait « un exemple de désinformation ».
Censé retracer sur une minute « l’histoire de l’énergie comme vecteur du progrès humain depuis l’antiquité » selon le communiqué de lancement, le film, réalisé par l’agence de pub Euro RSCG avec un budget poids lourd (15,5 millions d’euros, achat d’espaces compris), fait successivement défiler, façon travelling de superproduction, les bateaux à voile de l’Antiquité, le moulin à eau, la locomotive au charbon, la station service à l’américaine... pour s’achever sur un verdoyant trio éoliennes en mer - centrale nucléaire- centrale solaire. Le tout baigné de soleil et ponctué du slogan « L’énergie est une histoire qui n’a pas fini de s’écrire, continuons de l’écrire avec moins de CO2 ». Un making of maison vient aussi appuyer le message.
Pour Arnaud Gossement, inscrire de la sorte le nucléaire dans une continuité historique du progrès est, au mieux, « simpliste ». Surtout, mettre sur le même plan centrales nucléaire, éolienne et solaire, c’est créer un « amalgame entre les différents types d’énergies » et « faire croire, même de manière subliminale, que le nucléaire est une énergie renouvelable ». De même que de parler d’énergie « avec moins de CO2 » n’est « qu’un vocable pour ne pas dire énergie renouvelable ». Au final « Areva induit les gens en erreur faute de précision ».
Au sein du groupe nucléaire, on conteste cettte « démarche injustifiée » en expliquant avoir simplement voulu « réinscrire l’offre d’Areva dans la perspective de l’offre de l’énergie, et le nucléaire comme une contribution parmi d’autres ». La juxtaposition visuelle, dans le même plan, de l’éolien, du nucléaire et du solaire ? « Mais c’est l’offre du groupe ! » défend Jean-Emmanuel Saulnier, qui s’amuse à rétorquer que « si Areva faisait des fraises Tagada et si on avait mis ces fraises Tagada dans le plan à côté des éoliennes, est-ce qu’on nous attaquerait pour avoir sous-entendu que les fraises Tagada étaient renouvelables ? Jamais nous n’avons dit que le nucléaire était une énergie renouvelable. C’est un morceau de solution, à un moment donné. »
Si la plainte est jugée recevable, la décision du Jury de déontologie devrait être rendue d’ici deux mois. Entre-temps, le film aura envahi la télé (à partir de samedi), puis sera décliné dans la presse et sur Internet.