(De Bundanoon) Depuis septembre 2009, impossible d’acheter une bouteille d’eau à Bundanoon, une petite ville australienne. Pénurie ? Non, un acte volontaire.
Voici plus d’un an, cette ville australienne de 2 500 âmes à 150 kilomètres au Sud de Sydney, a été la première au monde à bannir les bouteilles d’eau en plastique. Pour s’approvisionner, les habitants ont le choix entre l’eau du robinet et les quatre fontaines publiques réparties dans la cité.
Cette décision découle de la lutte qui oppose, depuis plus de seize ans, les habitants de Bundanoon à une société d’embouteillage de Sydney, Norlex Holdings. Cette dernière projette de construire une usine de pompage d’eau à Bundanoon, pour ensuite vendre l’eau en bouteille.
Une lutte qui a donné une idée à Huw Kingston, gérant d’une boutique de vélo du centre-ville :
« Je me suis posé la question : “Est-il logique de ne pas vouloir que cette société s’approprie notre eau, et en même temps, continuer d’acheter ses produits ? ” »
Apparemment, non. En mars 2009, Kingston propose de bannir les bouteilles d’eau en plastique. Sa suggestion fait mouche. Aussitôt, le comité Bundy on Tap (Bundy « au robinet ») se forme et fait appel à Jon Dee, de l’association écologiste Do Something, pour mener à bien le projet. Quatre mois plus tard, les habitants votent massivement pour à 355 voix contre une.
« Cet interdit est entièrement volontaire »
Pour Sandra Menteith, coordinatrice de Bundy on Tap, la recette de ce succès réside en trois points clés :
« Un fort sens communautaire, un soutien aux commerçants locaux et une alternative qui leur permet de compenser la perte de revenus issus de la vente de bouteilles d’eau à usage unique. »
Huw Kingston, gérant d’un magasin de vélo. Sur son comptoir, les bouteilles réutilisables et une fontaine (Cécile Muszynski).
En effet, dans les commerces, des bouteilles réutilisables, semblables à des gourdes de vélo, ont pris place sur les étals. A 4 dollars la version économique ou 29 dollars la version de luxe, celles-ci se vendent comme des petits pains.
« Et surtout, à Bundanoon, il n’y a pas de grand supermarché qui aurait probablement freiné les démarches, » ajoute Kingston.
Mais le plus étonnant, c’est que cette interdiction repose exclusivement sur un mouvement citoyen. Menteih souligne :
« Aucun contrat n’a été signé avec les commerçants, il n’y a aucune contrainte légale. Cet interdit est entièrement volontaire. »
Quant au gouvernement local, selon Menteith, son seul rôle a été :
« D’approuver le plan élaboré par Bundy on Tap avec le soutien des habitants et commerçants. Et aussi d’installer quatre fontaines publiques, avec tous les travaux de plomberie que cela impliquait. »
Une décision qui fait des émules
« L’exemple de Bundanoon a permis de poser la question à un niveau mondial : pourquoi acheter des milliards de bouteilles d’eau quand on peut avoir accès à une eau du robinet de qualité, » note Jon Dee.
En effet, selon l’Australasian Bottled Water Institute (ABWI), les Australiens consomment chaque année plus de 600 millions de litre d’eau en bouteille. Produire et distribuer ceci a émis plus de 60 000 tonnes de gaz carbonique, l’équivalent annuel des émissions de 13 000 voitures.
Logiquement, la décision de Bundanoon fait des émules. Au lendemain du vote populaire de juillet 2009, Nathan Rees, le premier ministre de Nouvelle-Galles du Sud a demandé que les bouteilles d’eau ne soient plus disponibles dans les bureaux et les agences de l’Etat.
Quatre fontaines ont été installées le long de la rue commerçante et à l’école publique de Bundanoon (Cécile Muszynski).
Un an plus tard, en juillet 2010, l’association Do Something aidait un lycée de North Sydney, le Monte Sant » Angelo Mercy College, à se débarrasser des bouteilles d’eau et installer des fontaines publiques.
Auparavant, elle avait déjà effectué un travail similaire avec la banque australienne Westpac. Ainsi qu’avec les villes de Manly, Mosman, Waverley, et Marrickville. Toutes sont dans la banlieue de Sydney et ont installé davantage de fontaines publiques dans les lieux fréquentés.
Bundanoon est aussi très sollicitée, selon Menteith :
« Nous recevons des appels de partout. Ces deux dernières semaines, j’ai été contactée par une ville en Italie, les villes australiennes de Newcastle, Bendigo et Illawara. Même des étudiants, lycéens ou doctorants, s’intéressent à nous. »
Bien souvent, la réponse apportée par Kingston est la même.
« Bundanoon est un cas unique. Notre conseil est donc toujours identique : installer plus de fontaines publiques dans les rues et mener une campagne de sensibilisation. On peut très bien se passer d’acheter de l’eau en bouteille. C’est bon pour l’environnement et le porte-monnaie. »