Le groupement des agriculteurs bio d’Ile-de-France et l’Agence de l’eau Seine-Normandie ont signé le 31 janvier dernier à Dourdan (Essonne), une convention destinée à favoriser le développement de l’agriculture biologique dans les zones de captage d’eau. L’objectif : la protection de la ressource en eau autour des zones où se trouvent les captages prioritaires de la région.
Concrètement, ce contrat quinquennal conclu dans la ferme de Daniel Evain, ancien sélectionneur chez Monsanto devenu céréalier et maraîcher bio à Dourdan, prévoit la mise à disposition d’une équipe d’animateurs chargés d’encourager les conversions à l’agriculture biologique et de promouvoir ces pratiques dans les établissements agricoles. Il concerne exclusivement les bassins d’alimentation des captages en eau potable les plus pollués en nitrates et pesticides.
Outre l’accompagnement des conversions à l’agriculture biologique sur les territoires prioritaires « eau » identifiés et la vulgarisation des pratiques biologiques favorables à la protection de l’eau auprès des agriculteurs conventionnels, une animation locale auprès des gestionnaires de l’eau potable sera réalisée et l’impact de l’agriculture biologique sur la ressource en eau sera évalué au travers de diagnostics environnementaux. Des opérations de communication et de sensibilisation seront développées auprès des professionnels, des jeunes dans les établissements d’enseignement agricole et du grand public.
Il s’agit d’une première en France, a déclaré Nathalie Kosciusko-Morizet (NKM), la secrétaire d’Etat à l’Ecologie en assistant à la signature de ce contrat, aux côtés de Roger Karoutchi, secrétaire d’Etat chargé des Relations avec le Parlement, André Santini, secrétaire d’Etat chargé de la Fonction publique, président du Comité de bassin Seine-Normandie. Il sera financé à hauteur de 200.000 €/an dont 50% par l’agence, le reste réparti pour moitié entre la Région Ile-de-France et le groupement des producteurs bio (GAB). Il y a un intérêt croisé entre l’agence de bassin qui doit dépolluer l’eau en aval, et l’agriculture biologique, qui peut agir en amont par ses méthodes, a estimé NKM. L’Ile-de-France est précurseur, mais je souhaite que cette convention soit la première d’une longue série. Il faut que ce type d’initiative puisse être généralisé sur l’ensemble des bassins, de manière à engager au plus vite des opérations territoriales qui permettront tout à la fois de concilier le développement de l’agriculture biologique et la structuration de ses filières avec la protection voire la reconquête de la qualité de la ressource en eau, a-t-elle encore précisé.
Rappelons qu’une expérience de ce type a déjà été menée avec succès à Munich en Allemagne. Depuis 1991, 83 % des 2.250 ha de terres agricoles sont passés en bio et de 23 en 1993, ils sont aujourd’hui 107 agriculteurs à pratiquer l’agriculture biologique. Résultats, les effets sur la qualité de l’eau ont été visibles puisque depuis 1991, les teneurs en nitrates ont diminué de 43 % et les teneurs en produits phytosanitaires de 54 %.
En France, la commune de Lons-le-Saunier (39) a mis en place à une échelle plus réduite, des conventions d’aides financières avec les agriculteurs situés sur le Bassin d’Alimentation de Captage pour protéger la qualité de l’eau distribuée. Dans un premier temps, les conventions ont incité à remplacer le maïs par de l’herbe mais depuis 2002, la ville développe l’utilisation de produits biologiques dans la restauration collective. Dans les années 80, nous avons vu les teneurs en nitrates et pesticides augmenter considérablement. Avec un arrêt de la production de maïs et une couverture des sols en période hivernale, on a stabilisé les teneurs en nitrates aux environs de 20 mg/l, explique M. Lançon, adjoint à la mairie tout en soulignant que l’agriculture biologique a un intérêt indéniable pour l’environnement et la préservation de la qualité de l’eau. Il faut donc la pérenniser en développant les filières.
Rappelons que dans le cadre des conclusions du Grenelle de l’environnement, les objectifs d’augmentation des surfaces dédiées à l’agriculture biologique (6% en 2012 et 20% en 2020) ont été couplés avec la recommandation que ces surfaces puissent être situées de préférence sur les 700.000 hectares des périmètres de captage d’eau potable. Le principe : profiter des pratiques agronomes de l’agriculture biologique sans pesticides ni engrais chimiques pour, à court terme, préserver la ressource en eau, réduire les coûts de son traitement par la prévention de la pollution à la source et à plus long terme, améliorer la qualité des eaux et réduire les impacts sur les milieux naturels. Un enjeu qui vise à atteindre les objectifs de qualité des cours d’eau fixés par la directive cadre européenne sur l’eau de 2004.
Ce premier partenariat en Ile-de-France intervient dans une région où la qualité des eaux superficielles n’est pas satisfaisante et où la pression polluante sur les masses d’eaux souterraines est forte du fait justement des pollutions diffuses d’origine agricoles (pesticides, nitrates…). De fait, 342 captages d’eau potable sont à y protéger prioritairement.
En outre, le développement de l’agriculture biologique dans cette région pourrait contribuer à réduire le déséquilibre qui s’accroît entre la demande en produits biologiques. Actuellement en Ile-de-France, les surfaces bio ne concernent que 0,7 % de la surface agricole utile tandis que la demande s’accroit. 53% des Franciliens ont ainsi consommé du bio en 2006*. Il y a donc matière à développer une production locale pour développer une filière porteuse d’emplois et réduire dans le même temps le transport des denrées alimentaires.
Michel Vampouille, vice-président de la Région chargé de l’environnement s’est d’ailleurs félicité, dans un communiqué de la concrétisation de ce partenariat. Elle s’inscrit parfaitement dans le plan 2007-2013 de la Région Ile-de-France pour l’agriculture biologique, d’un montant de 8 millions d’euros, précise-t-il tout en rappelant que le développement de l’agriculture biologique implique d’actionner de nombreux leviers : installation, conversion, maintien, formation, recherche…
Pour que les annonces du Grenelle ne soient pas de vains mots, il faut organiser rapidement une démarche concertée entre la Région, l’Etat et la profession pour identifier les freins au développement du bio au niveau de l’Ile-de-France et trouver ensemble les solutions adaptées aux spécificités régionales, tient-il à rappeler.
C.SEGHIER
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Baromètre CSA - Agence Bio 2006
Actu-Environnement.com - 04/02/2008