La possibilité pour les associations de défense de l’environnement de participer aux instances de concertation des débats publics a pris un coup sur la tête avec la parution sans tambours ni trompette d’un décret ministériel le 12 juillet dernier restreignant leur agrément à une taille d’activité « effective sur plus de la moitié des régions de France ».
Illustration locale immédiate : le CADE, pièce importante de la réflexion (et de la contestation) du dossier de nouvelles voies LGV en Pays Basque nord se serait vu tout simplement écarté du débat initié en 2006 sur le sujet, puisque ce collectif d’associations n’aurait pas non plus pu arguer « d’un nombre de membres à jour de leur cotisation supérieur à 2.000 », comme le stipule désormais le texte officiel.
C’est l’avocate et ancienne Ministre de l’Environnement Corine Lepage qui a soulevé ce lièvre bien discret, en publiant sur son blog du mouvement Cap21 un cri de colère contre « un mauvais coup », comme ils se font « généralement le 14 juillet ou le 15 août, c’est encore plus tentant en période de crise majeure, comme actuellement », écrit-elle.
« Tout l’esprit du Grenelle est atteint », réagit le porte-parole du CADE, Victor Pachon, « et cela traduit l’envie de l’Etat d’aller vite, de boucler les dossiers en quinze jours, et de ne plus se retrouver confronté aux alertes déployées localement ».
En signant cet Arrêté, Europe Ecologie les Verts a dénoncé la volonté de la Ministre de l’Environnement Nathalie Kosciusko-Moriset « d’exclure du débat public et de la représentativité l’ensemble des petites et moyennes associations et ONG ».
Une attitude qui « ne doit rien au hasard, quand ces organismes souvent dotées d’une forte expertise en raison de leur spécialisation et du caractère limité de leur objet, constituent une arme anti-lobbies particulièrement efficiente », communiquent-ils.
Précédemment, le CADE avait arraché au Ministère de l’Ecologie la reconnaissance par voix de justice de sa demande d’Agrément « Protection de l’environnement », refusée par le préfet des Pyrénées-Antlantiques au motif que l’association n’oeuvrait pas « à titre principal à la protection de l’environnement ».
Une lecture bien différente de celle de la Cour d’Appel Administratif de Bordeaux, qui, en 2009, condamnera l’Etat à lui verser 1.500 euros pour frais et dépens.
Aujourd’hui, tout est remis en question, et si l’intervention de tels lanceurs d’alertes reste possible pour des « petits dossiers » comme les atteintes environnementales du Port de Bayonne ou les choix faits sur le Pôle déchets Canopia de Bayonne, l’intervention pour des « grands dossiers » aux impacts locaux (comme la LGV) obligera les associations à se fédérer au sein de grands ensembles comme France Nature Environnement (FNE), avec le principe de « correspondants locaux » dossier après dossier.
« On assiste à un recul considérable par rapport à nos capacités formelles d’intervention », réagit Victor Pachon, « dans un contexte où l’Etat souhaite garder la main sur les questions environnementales, en particulier celles liées au gaz de schiste ou au nucléaire ».
D’autres mouvements indépendants - comme la Criirad, Réseau Santé Environnement ou Inf’OGM - n’auront de fait plus le droit de participer, voire plus le droit d’être agréés.
« La capacité des associations les plus dérangeantes pour les lobbies défendus par le gouvernement est ici mise en cause. En effet, sans agrément, la capacité de porter plainte avec constitution de partie civile reste très réduite. Dans ces conditions, les procès mettant en cause ces lobbies deviennent beaucoup plus difficiles », conteste Europe Ecologie les Verts, qui pourrait s’emparer de cette question pour en faire un point central du débat pour les prochaines élections présidentielles.
Caractéristiques antérieures de l’agrément « Protection de l’environnement »
Les associations agréées sont appelées à participer à l’action des organismes publics concernant l’environnement, et obtiennent le droit de participer aux instances consultatives publiques.
Elles peuvent être consultées dans le cadre de l’élaboration des schémas de cohérence territoriale ou des plans locaux d’urbanisme.
Elles peuvent, enfin, se constituer partie civile dans un procès en cas d’infraction aux dispositions législatives et réglementaires relatives à la protection de la nature et de l’environnement, à l’amélioration du cadre de vie, à la protection de l’eau, de l’air, des sols, des sites et paysages, à l’urbanisme, ou ayant pour objet la lutte contre les pollutions et les nuisances, à condition que les faits constituant l’infraction portent un préjudice direct ou indirect aux intérêts collectifs que l’association défend.
L’agrément permet enfin d’agir en réparation pour le compte de personnes ayant subi un préjudice individuel en matière d’environnement.