Mais où donc le chroniqueur avait-il la tête ? Avait-il goûté l’herbe de la petite fumée ? Observé la pleine lune trop longtemps ? Abusé du nectar dont les fidèles de Dionysos croient qu’il leur assure l’immortalité ? Appliqué une recette inédite de l’Ouvroir de littérature potentielle ?
Ce qui est certain, c’est que quand il découvrit dans le journal (daté 31 janvier-1er février) le titre « Merci M. Larcher ! », surmontant un article des plus sérieux sur la création d’emplois, il tomba de l’armoire sur laquelle il faisait la chasse aux perroquets, comme à son habitude. Car, au vrai, l’intention du plumitif était de titrer « 300 000 nouveaux emplois », afin d’attirer l’attention sur le sujet majeur de son billet.
Rangeons l’incident dans l’incommensurable collection des mystères de la presse, que recouvre si rapidement la poussière de l’oubli.
Le chroniqueur doit maintenant s’excuser auprès de M. Larcher de ne pas vouloir lui dire merci prématurément. Si le sénateur a porté naguère un bon diagnostic sur le gaspillage insensé des espaces agricoles, il n’a pas ensuite pesé suffisamment pour faire appliquer les remèdes qu’il recommandait. Que M. Larcher relance ses propositions pour « lutter contre l’enrichissement sans cause », à savoir « taxer les profits »tombés du ciel’’" et alors on le louera, sincèrement.
Surtout, il faut rappeler, quand la France perd 400 000 emplois en 2009 (note de l’INSEE du 10 décembre 2009), combien est vitale la réflexion sur de nouvelles activités, telles les installations agricoles dont parlait la chronique.
Le travail a toujours été une préoccupation majeure de l’écologie politique. Par exemple, en 1984, Les Amis de la terre rassemblaient les meilleurs esprits sur la question (L’écologie contre le chômage, La Découverte, 1984) ; en avril 1989, Reporterre, le magazine de l’environnement, titrait « Un million d’emplois en l’an 2000 » ; dans les années 1990 un gourou de l’écologie politique, André Gorz, a renouvelé l’interrogation sur le sens du travail. Et en 2009, Europe Écologie plaçait au premier plan de son programme le projet de « 10 millions d’emplois verts en 10 ans » ! L’enjeu : des emplois nouveaux, réellement utiles, et à empreinte environnementale faible.
Décrire la gravité de la crise écologique, il faut le faire, bien sûr, encore et toujours. Analyser les logiques destructrices, c’est indispensable. Mais il est tout aussi important d’ouvrir largement les perspectives d’un post-capitalisme écologique et social.
Un exemple encourageant qui montre combien cet esprit gagne : le collectif Flins sans F1, qui a gagné la bataille contre le projet absurde d’un circuit de formule 1, ne s’est pas dissous. Il continue à réfléchir aux moyens de convertir l’industrie automobile, en perte de vitesse, vers des activités assurant aux travailleurs de nouveaux moyens d’existence.
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