Tout dernièrement, Bruno David, ancien dirigeant de la société mixte des 24 Heures du Mans, nous avait fait part de son sentiment concernant le site de Flins et le devenir du GP de France de F1.
Ce vendredi, c’est au tour d’ Yvon Léon, ancien Secrétaire Général de la FISA pendant près de trente ans, de nous livrer à son tour, ses sentiments sur le même thème.
« La saga du Grand Prix de France de Formule Un s’est récemment enrichie d’une vive polémique au sujet de l’un des projets annoncés pour accueillir cette prestigieuse épreuve à partir de 2011. Depuis la décision prise par la FOM (Formula One Management) présidée par Bernie Ecclestone de ne plus faire figurer le circuit de Nevers-Magny cours au calendrier du Championnat du monde de Formule Un, un certain nombre de projets ont vu le jour, plus ou moins réalistes, mais celui relatif au circuit de Flins semble cumuler toutes les erreurs à ne pas commettre.
Il faut tout d’abord bien comprendre que, contrairement à ce que certains veulent faire croire, et contrairement à ce que pense une frange d’opinion qui se voudrait « politiquement correcte », le sport automobile fait partie intégrante du gotha du sport, et le Championnat du Monde de Formule Un représente la troisième manifestation sportive d’importance mondiale après les Jeux Olympiques et la Coupe du Monde de football, à la différence que les Grands Prix se succèdent toute la saison à deux semaines d’intervalle alors que ces événements n’ont lieu qu’une fois tous les 4 ans.
Il faut aussi « casser » l’image d’un sport énergivore ou mauvais : il ne l’est pas plus que le football ou n’importe quel autre sport lorsque l’on prend la globalité de l’activité en considération, acteurs, spectateurs, installations, transports, etc. Par contre il représente un banc d’essais pour les constructeurs, et les circuits jouent aussi un grand rôle au niveau de l’apprentissage de la conduite, des écoles de pilotage, de la formation de conducteurs « spécialisés » comme les ambulanciers, pompiers, policiers et gendarmes, etc...
Par ses multiples disciplines, iI représente enfin une activité à destination de tous, et ce dès l’enfance par le biais du Karting.
La France est le pays qui a inventé le sport automobile, l’Automobile Club de France, fondé en 1898, est l’un des plus anciens au monde, ses constructeurs prestigieux ont remporté les plus grands Championnats, comme Renault en Formule Un ou Citroën et Peugeot en Rallyes ou en Endurance, et bien d’autres se sont illustrés avant eux, comme Bugatti, Gordini, Alpine voire Matra par exemple, pour ne citer que les plus réputés d’entre eux.
Il est donc d’une importance capitale que notre pays continue à jouer un rôle de premier plan dans le concert des nations organisatrices, et ce peut-être encore plus aujourd’hui du fait de l’émergence de nouveaux pays organisateurs, comme la Chine, l’Inde ou les pays du Golfe.
Et n’oublions pas que c’est en France que se déroule la plus grande course automobile du monde, les célèbres 24 heures du Mans !
Plusieurs sites se sont montrés intéressés par l’accueil d’un circuit destiné au plus haut niveau, et en particulier à la Formule Un. Il ne m’appartient pas de comparer ici les mérites des uns et des autres, mais simplement de tenter de ramener le bon sens le plus élémentaire dans les débats !
Que reproche-t-on au site de Flins ?
En gros tout !
C’est tout d’abord une opération politicienne de la part de l’ex-président du Conseil Général des Yvelines ? Pierre Bédier qui a tenté par la une manœuvre de diversion auprès de la justice, avant de voir le rejet de son pourvoi en cassation dans l’affaire de corruption et de trucage des marchés pour laquelle il a été condamné.
Et, ceci expliquant sans doute cela, le projet a cumulé toutes les erreurs possibles :
Choix d’une zone réservée à l’agriculture biologique, classée de surcroît en zone inondable, située au dessus de l’une des principales nappes phréatiques de la région parisienne déjà équipée de 8 stations de captage, ne disposant pas des infrastructures d’accueil nécessaires, auxquelles se rajoute maintenant la découverte d’un site archéologique d’une importance historique certaine.
A-t-on d’ailleurs cherché à occulter cette découverte ?
Pas impossible car cette zone se situe en effet à la limite du Vexin, riche en sites archéologiques et Gallo-Romains, comme le magnifique théâtre d’Epiais-Rhus, par exemple !
Mais le plus consternant de toute cette histoire est le mode de financement du projet, faisant largement appel aux fonds publics...
Il faut le dire clairement, la France n’est pas épargnée par la crise et le pouvoir d’achat des Français en subit le contrecoup, comme ailleurs. Les contribuables voient leurs prélèvements obligatoires locaux et régionaux en forte augmentation, et, à situation de crise budget de crise, ce n’est clairement pas le moment de consacrer de l’argent public à un tel projet.
D’autant que le recours au financement privé est possible et doit être la seule règle (hormis éventuellement quelques subventions de circonstance comme cela se pratique pour d’autres activités), et comme cela aurait été le cas pour les Jeux Olympiques à Paris si la capitale avait été choisie.
Il en va non seulement du respect du citoyen, comme le montre l’intervention de toutes les associations et élus opposés au projet, mais aussi et peut-être surtout du respect de l’image d’un sport qui ne doit pas prêter le flanc à la critique au travers de telles initiatives.
Je le répète, le sport automobile est une activité majeure, et le Championnat du Monde de Formule Un dépasse très largement le simple cadre sportif.
Il est donc essentiel que ses destinées soient prises en mains par des gens responsables dans un esprit de concertation général, bien au delà de petits intérêts personnels.’’
Yvon Léon
Ancien Secrétaire Général de la FISA (Fédération Internationale du Sport Automobile)