Gaz de schiste : le mea culpa de Borloo
Article mis en ligne le 12 mai 2011
Le 11 mai 2011 par Geneviève De Lacour
Les députés ont adopté, aujourd’hui 11 mai, en première lecture et par 287 voix contre 186, la proposition de loi sur les gaz de schiste. Le groupe socialiste a finalement voté contre.
Déposée par le député Christian Jacob (UMP), la proposition de loi a été débattue la nuit dernière devant la ministre chargée de l’écologie, Nathalie Kosciusko-Morizet. Le groupe socialiste mené avec fougue par Jean-Marc Ayrault a prévenu lors des débats qu'il ne voterait pas le texte si la dernière mouture de l'article relatif à l'abrogation des permis de recherche n'était pas modifiée, ceux-là même consentis en 2010 sous le ministère de Jean-Louis Borloo.
L’article premier interdit donc la fracturation hydraulique, que ce soit pour des permis d’exploration ou d’exploitation. L’article 2 relatif aux permis déjà octroyés a, quant à lui, été âprement discuté dans la nuit. Seuls les permis utilisant la fracturation hydraulique seront abrogés car, pour l’instant, tous les permis sont «muets», a souligné Christian Jacob. L’article 3 concerne la remise d’un rapport tous les ans sur l’évolution des techniques et des technologies.
Les écologistes ont dénoncé la modification de l’article 2 qui, initialement, prévoyait une abrogation pure et simple, alors que désormais les titulaires des permis auront deux mois pour déclarer la technique utilisée. C’est seulement s’ils recourent à la fracturation hydraulique ou s’ils ne répondent pas que les permis seront abrogés.
La ministre de l’écologie a insisté sur le fait que, «{comme il n’existe aucune autre technique que celle de la fracturation hydraulique pour exploiter les gaz de schiste, l’exploration et l’exploitation ne pourront être autorisées}». Elle a aussi ajouté: «{Il s’agit de la manière la plus sûre juridiquement afin d’éviter de prêter le flanc à des demandes de compensations financières de la part des industriels. Des compensations qui n’ont pas lieu d’être}».
Le député André Chassaigne (PCF), très présent lors des débats de nuit pour mener la fronde aux côtés d'Yves Cochet (EELV), a estimé que le texte laissait le champ libre aux opérateurs concernés, évoquant «une reculade».
A minuit, Jean-Louis Borloo a pris la parole, revenant sur les autorisations délivrées alors qu’il était ministre. «C’est une énorme erreur que nous avons laissé prospérer. Les procédures de recherche ont été allégées en 1994, sur des recommandations du Conseil d’Etat». L’hémicycle s’est alors tu pour écouter religieusement ses explications. «La recherche peut être un facteur dégradant pour la santé.» Le second manquement souligné par l’ancien ministre concerne «le continuum qui existe entre la recherche et l’exploitation».
Un lien que les services de Jean-Louis Borloo n’avaient pas perçu à l’époque. Les permis de recherche ouvrent la porte aux permis d’exploitation.
Il s’est ensuite déclaré pour une réforme en profondeur du Code minier et a conclu solennellement: «J’en fais une affaire personnelle!».
Au final, le texte de loi a donc été très peu amendé.
L'Union française des industries pétrolières (Ufip) a réagi dans la foulée. «{Elle regrette vivement l'interdiction de l'usage de la fracturation hydraulique pour l'exploitation des gaz de schiste } », a-t-elle indiqué dans un communiqué aujourd’hui même. Qualifiant la fracturation hydraulique de « {technique employée de longue date maîtrisée par les opérateurs} », l'Ufip espère que « le rapport annuel remis par le gouvernement au Parlement mettra en évidence les nouveaux progrès accomplis et qu'ainsi pourront être autorisés les travaux utilisant cette technique ».
L’examen au Sénat du texte de loi aura lieu le 1er juin.