C’est à la cocasserie que représente l’entrechoc des évènements contraires que l’on juge peut-être le mieux la fin d’une ère. L’ère finissante évoquée ici est celle de l’économie carbonique. Les deux évènements contradictoires concernés sont la catastrophe climatique que le fiasco du sommet de Copenhague va malheureusement exacerber d’une part, la volonté du gouvernement français de faire construire en Île-de-France un nouveau circuit de Formule 1 d’autre part. Sarcelles pourrait être le lieu de la perpétuation dispendieuse et indécente d’un passé révolu.
L’économie de demain tournera résolument le dos aux activités humaines les plus polluantes, les plus bruyantes, les plus énergétivores ou ne sera pas. Pour préparer la société de l’après pétrole et de l’après gaspillage, une éducation de tous les citoyens à d’autres modes de vie et de consommation est nécessaire.
Ce travail est difficile, de grande ampleur. Il nécessitera la mobilisation de toute la société. Il est de la responsabilité de tous, et notamment des élus et du pouvoir politique, dont le rôle est de préparer l’avenir à long terme et non de satisfaire les lobbys. Un circuit de formule 1 est un énorme outil de contre éducation citoyenne par rapport aux enjeux qui nous attendent, tant pour les jeunes de Sarcelles que pour tous ceux qui écouteront à longueur d’année les commentaires sur les radios et à la télévision. Au nom de l’impérieuse nécessité de faire un environnement vivable la Formule 1 est condamnée à disparaître.
Ces défenseurs acharnés ne font alors que démontrer leur indécente incapacité à saisir intellectuellement l’ampleur de la crise écologique que nous traversons et à en déduire les décisions qui s’imposent. Quand ils la comprennent, ils passent outre tant les intérêts en jeu sont immenses à leurs yeux. En effet, ce n’est pas uniquement pour des raisons écologiques que la Formule 1 appartient à un monde méprisant et méprisable.
Le grand barnum de la Formule 1 est également un vaste système de blanchiment d’argent sale et de recyclage d’argent détourné de l’impôt. Les écuries, les pilotes, les patrons et les ingénieurs de ce sport tapageur sont presque tous domiciliés dans des paradis fiscaux.
À propos de paradis, ajoutons que la Formule 1 est aussi celui de l’envahissement publicitaire. Une telle débauche de tares désormais à proscrire de nos sociétés encore sauvables devrait suffire à programmer la fin de ce gâchis aux dimensions planétaires. Et pourtant…
Quand il convient de préparer l’après pétrole, de relocaliser les activités productives et les modes de vie, de développer l’automobile propre et sobre tout en la réservant aux usages indispensables, la France envisage sérieusement de remplacer le circuit de Magnicourt jugé « trop rural » par un circuit flambant neuf en zone fortement urbanisée à proximité de sa capitale. Le site de Marne-la-Vallée, un temps envisagé, a été abandonné pour un projet d’implantation à Flins dans le département des Yvelines.
Nous savons depuis le mois dernier que ce projet auquel tenait particulièrement M. Fillon n’aboutira pas. Les terres gelées à cet effet durant un an retrouvent par décision officielle leur vocation agricole. Ce renoncement redonne espoir aux promoteurs de l’implantation du projet dans le département du Val d’Oise, plus précisément dans sa partie sud-est, aux portes de Sarcelles et à quelques kilomètres de l’aéroport de Roissy-CDG.
Sur les trois sites franciliens évoqués ci-dessus, des collectifs d’associations locales se sont constitués. Le plus mobilisé jusqu’à présent a été le collectif « Flins sans F1 », probablement parce que c’est là que la menace de circuit était la plus sérieuse. La mobilisation a fait échec au projet. Désormais, les trois collectifs se rencontrent et font cause commune contre la Formule 1 en Île-de-France.
Nul doute que l’expérience victorieuse du collectif de Flins va servir au collectif « Val d’Oise sans F1 » maintenant que le député-maire de Sarcelles, François Pupponi (PS), reprend l’offensive avec un projet, certes très flou dans ses aspects techniques, mais limpide au plan de la démagogie. Le circuit et les divers aménagements alentour – dont un complexe omnisports – généreraient dix mille emplois a-t-on dit avant de cesser le mirobolant chiffrage. On le sait, les emplois les plus qualifiés liés à la Formule 1 ne sont jamais locaux et ne reviendront donc pas aux jeunes valdoisiens que l’on tente de séduire pourtant.
Il y a tant à faire dans « l’économie verte » qu’il serait bien préférable de développer des projets préparant le monde de demain plutôt qu’un projet venu tout droit d’un passé bientôt définitivement révolu. Il existe tant d’autres façons de provoquer la vitalité d’une commune ou d’un département que de tenter de faire rêver leur population avec les exploits de héros totalement déconnectés de la réalité de la vie quotidienne vécue par les jeunes que l’on prétend vouloir aider. N’est-il pas étonnant que des élus de gauche tournent à ce point le dos à l’avenir et manquent si cruellement d’imagination ?
L’association Action Consommation ne peut que soutenir sans réserve la lutte contre l’implantation de la Formule 1 en Île-de-France portée par les trois collectifs susnommés. En fait, il conviendrait de bannir définitivement de tout le territoire du pays ce cirque d’un autre âge. Cessons de croire que la disparition du Grand Prix de France serait une catastrophe, une atteinte intolérable à l’identité nationale.
Yann Fiévet
Président d’Action Consommation
25 décembre 2009