Le groupe Total a annoncé le 13 mai 2011 avoir pris des participations dans des concessions de gaz de schiste en Pologne, ses projets étant contrecarrés en France par la contestation dont fait l’objet cette source d’énergie. Les opposants ont en effet réussi une campagne de sensibilisation fulgurante sur un dossier largement méconnu.
Pour une fois, militants, élus et industriels sont d’accord : « On n’a jamais vu ça. On a du mal à comprendre ce qui s’est passé », assurent-ils dès que l’on évoque le dossier des gaz et pétrole de schiste. Comment expliquer qu’à la mi-avril l’ensemble de la classe politique voulait en interdire l’exploitation ? D’où vient cette fébrilité de l’exécutif à bannir ce qu’il avait autorisé un an auparavant, en toute discrétion ?
Aux Etats-Unis, où le gaz de schiste a longtemps été qualifié de « manne céleste », une opposition commence tout juste à poindre : une manifestation a eu lieu le 18 avril dernier à Fort Worth, au Texas, et certaines communes ainsi que l’Etat de New York ont décrété des moratoires. Une loi d’interdiction reste cependant impensable. Si le premier puits de gaz de schiste a été foré en 1821, le développement de cette ressource s’amplifie à la fin du XXe siècle et s’accélère en 2005, quand le président George W. Bush lie indépendance énergétique et sécurité nationale. Les ressources non conventionnelles nord-américaines (sables bitumineux, gaz et pétrole de schiste) représentent la moitié de la production (20 % pour le gaz de schiste, de 40 % à 50 % d’ici à une décennie). L’Energy Policy Act de 2005 exonère les compagnies pétrolières et gazières de certaines dispositions des lois sur la qualité de l’air et de l’eau. Aubaine : la société Halliburton dispose justement d’une technique qui va connaître un essor spectaculaire, la fracturation hydraulique en forage horizontal, seul procédé permettant d’extraire les gaz et pétrole de schiste prisonniers de micropoches minérales à deux ou trois kilomètres de profondeur.
Un puits vertical permet d’atteindre cette couche, où l’on fore ensuite horizontalement sur plusieurs centaines de mètres. Puis l’on fissure la roche en injectant — à haute pression — de sept à quinze mille mètres cubes d’eau mélangée à du sable et à des produits chimiques (de 0,5 % à 2 % de la quantité totale injectée). Répété jusqu’à quatorze fois par puits, ce procédé, vorace en eau, pose des défis (...)