Exposition record aux polluants chimiques dans les voitures
Article mis en ligne le 8 janvier 2010

L’odeur si caractéristique que dégage l’intérieur des voitures neuves cache un dangereux cocktail chimique. Des tests effectués en Allemagne montrent non seulement une concentration, mais aussi des taux record d’émissions de polluants dans l’habitacle des automobiles. Les constructeurs recommandent… d’ouvrir les portières.

Plus d’une centaine de substances chimiques ont été relevées dans l’habitacle de trois voitures (deux neuves, une d’occasion) de constructeurs différents. Les examens ont également montré un taux d’émission dépassant de loin les recommandations en vigueur de la médecine environnementale en Allemagne. Matières plastiques, laques, colles, textiles, cuir artificiel, etc…, la liste des produits incriminés est longue.
Depuis longtemps sensibilisé à la thématique de la pollution intérieure, le public allemand a pu découvrir à une heure de grande écoute combien l’air intérieur de leurs véhicules était pollué. Car c’est la deuxième chaîne de télévision allemande, la ZDF, et non un organisme officiel qui a procédé aux examens – avec un résultat édifiant : les tests ont en effet montré une concentration de composés organiques volatils (VOC) atteignant 15 000 microgrammes par mètre cube. L’institut de recherche écologique allemand pose, lui, une limite à l’exposition aux VOC de…100 microgrammes par mètre cube avant d’atteindre le seuil de toxicité.

« Intolérable »

De plus, un pertubateur endocrinien, le N-Methyl-Pyrrolidon, ainsi qu’un composé chimique hautement cancérigène, le dichlorpropanole, ont également été décelés, et cela, à une concentration allant jusqu’à 80 microgrammes par mètre cube. « Personnellement, j’ai été surpris de trouver ce composé », rapporte Peter Braun, du laboratoire d’analyse ALAB qui a mené les examens pour la ZDF. « Et j’ai été effrayé de trouver ce composé à une telle concentration ». Pour l’analyste, le seuil des 80 microgrammes n’est pas tolérable, que ce soit dans l’habitacle d’un véhicule ou dans l’air intérieur d’une maison. « Il s’agit d’un composé cancérigène », explique-t-il. « Il est classé comme très dangereux et n’a rien à faire dans l’entourage des hommes, a fortiori dans l’air que nous respirons ».

Cela fait plus de dix ans que le chercheur Hermann Kruse, toxicologue à l’université de Kiel, analyse le phénomène de pollution intérieure – dans l’habitat comme dans les automobiles. Et il ne manque pas de mettre en garde contre des « troubles graves de la santé » dus aux expositions de VOC et autres composés chimiques dans les véhicules : troubles respiratoires, maux de tête, mais aussi sentiment de torpeur, nausées, problème de concentration… Autant de symptômes qui peuvent affecter la conduite et bien sûr, la santé des conducteurs et des passagers. Selon Hermann Kruse, l’industrie automobile fait encore beaucoup trop peu contre la présence de ces produits toxiques. « Certes, il y a eu quelques améliorations faites ces dernières années, mais je reste quand même très surpris de constater que ces substances problématiques demeurent dans les nouveaux modèles des concessionnaires », rapporte le scientifique. Et d’ajouter, sibyllin : « Je ne les avais plus attendus ».

« Ouvrez les portières ! »

En Allemagne, il n’existe pas de seuil limite à l’exposition aux polluants chimiques dans l’intérieur des véhicules. Seuls sont pris en compte les seuils recommandés pour les intérieurs des habitats, sans pour autant contraindre les constructeurs à mettre une vignette d’avertissement. Il n’empêche, devant le nombre toujours plus grand de conducteurs sujets aux allergies et demandant des véhicules « désinfectés », le TÜV, (contrôle technique allemand), propose un service permettant d’analyser la qualité de l’air intérieur des voitures. Pour un minimum de 200 euros, une centaine de matériels et composants, notamment ceux qui entrent en contact avec la peau, ainsi que l’air intérieur, sont examinés à l’aide d’un petit appareil qui fait fonction d’aspirateur. Une fois le contrôle terminé, un sigle est apposé et un filtre installé.

Comment réagissent les concessionnaires ? Daimler fait dire à la ZDF que le composé chimique dichlorpropanol n’est arrivé que « tard » dans la voiture examinée, tandis que Mazda et Skoda affirment qu’il n’y a « aucun danger pour la santé pour les passagers des véhicules ». Et chaque constructeur de conseiller d’aérer de manière conséquente les véhicules avant de conduire.
Claire Stam à Francfort (Allemagne)

Mis en ligne le : 06/01/2010

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