Food Inc, vous ne regarderez plus votre assiette de la même façon
Article mis en ligne le 2 février 2010
dernière modification le 4 octobre 2014

Food Inc. est un documentaire à charge contre l’industrie alimentaire prête à tout pour maximiser ses profits au détriment du consommateur et de sa santé. Du camp d’extermination de bovins à l’élevage intensif de poulets en passant par le soja transgénique de Monsanto (un véritable Big Brother aux mœurs de voyou), le constat est accablant : la production de masse de nourriture est un système perverti par le business où rendement, efficacité technologique et bénéfices astronomiques semblent avoir remplacé des notions pourtant aussi essentielles qu’hygiène, respecte de la chaine alimentaire et santé publique. Comme le dit l’un des intervenants, la logique des producteurs de la malbouffe qui inondent les allées des supermarchés américains (en moyenne, 47.000 références sur les rayonnages !) est devenue « plus vite, plus gras, plus gros, moins cher ».

Aucun responsable de grands groupes alimentaires n’a voulu répondre à Robert Kenner, seuls des représentants de Wal-Mart ont accepté de s’exprimer, sans doute soucieux de redorer l’image de la chaine n°1 mondiale de grande distribution écorné par de nombreux scandales. On se demande presque comment un tel film a pu trouver un financement et être distribué en salles étant donné l’apparente puissance du lobby agro-alimentaire aux Etats-Unis où – comme souvent - le mélange des genres et des rôles ne semblent choquer personne : des responsables d’administrations publiques chargées de veiller notamment aux respects des normes sanitaires dans les abattoirs ou les propriétés agricoles sont d’anciens dirigeants des multinationales qu’ils sont censés contrôler ! Le cochon n’est pas prêt de mordre la main qui l’engraisse.

Food Inc., le filmPetit raté dans la succession de constats inquiétants que dresse le réalisateur est la trop grande place accordée à l’histoire de cette femme activiste ayant perdue son fils suite à une intoxication alimentaire. Non pas que le drame vécu par cette famille ne soit pas terrible et qu’il ne constitue de loin pas un cas isolé – ce qui est particulièrement inquiétant - mais ce supplément de pathos complaisant n’était pas nécessaire pour créer l’émotion et l’indignation. Heureusement, Robert Kenner sait aussi manier l’humour et l’espoir avec le portrait d’un fermier « résistant » et traditionnel qui refuse l’élevage intensif et le maïs transgénique même si les séquences avec lui sont légèrement caricaturales - on se croirait dans « la petite maison dans la prairie ». Ou encore quand Eric Schlosser, auteur de Fast Food Nation, confesse que son plat préféré reste un bon hamburger avec des frites…

La fin est également inutilement moralisatrice avec des textes politiques certes forts et engagé mais qui ne s’adresse presque qu’exclusivement aux Américains en manque d’informations (« manger, c’est voter », « le pouvoir est dans votre caddie »,…). Il aurait peut être fallu adapter ces messages de conclusion pour le public européen probablement plus averti. On attend maintenant une suite, un Food Inc. à l’échelle mondiale avec les conséquences de ces politiques alimentaires aberrantes dans les pays en voie de développement où la malnutrition et la sous-nutrition sont des fléaux qui tuent tous les jours.

Emmanuel Pujol pour Fan de Cinéma