FERRARI COMME FAVORI
Jean-Moise DUBOURG

Alain Prost pense qu’il faut se concentrer sur Flins...

Article mis en ligne le 1er juin 2009
dernière modification le 5 juin 2009

jeudi 04 juin 2009 - 21h43
Comme avant chaque Grand Prix, Alain Prost nous livre son analyse sur la course à venir. En Turquie, il place Ferrari en tant que favori à la victoire. Il aborde également les thèmes de la course au titre, et bien entendu des polémiques entourant les nouveaux réglements pour 2010.
Alain Prost, même à Monaco, sur un circuit particulier, Brawn GP a écrasé la concurrence. Êtes-vous surpris ?
La domination des Brawn GP n’est pas vraiment surprenante. La voiture a des qualités extraordinaires depuis le début de saison, qu’elles soient aérodynamiques ou mécaniques. Ce qui est plus étonnant, c’est la domination de l’Anglais encore une fois aux essais et évidemment en course, alors que le circuit de Monaco ne lui avait pas vraiment réussi jusque là. Avant cette course, le doute était permis sur sa performance et pouvait laisser envisager un retour des autres prétendants au titre sur un circuit où on sait que tout peut se passer. Il aurait pu faire zéro point et apercevoir le retour de ses adversaires dans le rétroviseur, mais c’est tout le contraire qui s’est déroulé. Button a dominé son sujet depuis le début, en gérant notamment parfaitement les essais de jeudi et du samedi matin.

Course après course, l’Anglais est le grand favori pour le titre. On peut même se demander comment ce trophée pourrait lui échapper…
C’est vrai qu’on attendait beaucoup du premier Grand Prix européen, où au final, il ne s’est pas passé grand-chose. Puis, tout le monde attendait celui de Monaco car c’est un circuit tellement spécial qu’une très bonne voiture peut devenir beaucoup moins performante. D’ailleurs on l’a vu avec la Red Bull, qui était pratiquement l’équivalente de la Brawn GP, et qui a évolué un ton en dessous alors qu’ils avaient amené le double diffuseur. Cela veut dire aussi que tout ne s’explique pas à ce niveau là. La deuxième étape se déroulera en Turquie où on repart sur des circuits traditionnels avec beaucoup de modifications techniques à réaliser au niveau de toutes les équipes. Pour la Red Bull, on sait que le double diffuseur marche très bien. Nous allons voir également si la domination de Button et de Barichello va perdurer, même si cette supériorité n’est pas toujours si évidente. Ferrari tentera de confirmer leur retour en forme perçu à Monaco où ils ont fait très bonne figure. Et puis, il ne faut pas oublier McLaren et Hamilton, car à Monaco, de ce que nous avons pu voir sur les premiers essais, c’était vraiment le tenant du titre qui était le plus rapide. C’est uniquement une faute lors des qualifications qui l’a privé d’une pole position.

Un retour de Ferrari est-t-il encore possible ?
Au niveau des performances, je pense qu’il n’y a pas trop de doutes à ce niveau là, car ils ont très rapidement su cerner leurs problèmes du début de saison et les ont corrigés. Alors que pour certains, les performances étaient pas mal en début de saison, mais c’est désormais le trou noir. C’est le cas des BMW ou des Toyota qui prouvent que les modifications qu’ils ont effectuées, n’ont pas apporté d’amélioration concrète. Alors que Ferrari n’a pas fait d’erreurs et s’est amélioré un peu plus à chaque course. La fiabilité est donc de retour, la stratégie et l’entente dans l’équipe est bonne. Ils peuvent, dès la Turquie, être en position de favoris.

D’autant plus que c’est la chasse gardée de Massa depuis trois saisons. Est-ce l’occasion de se relancer ?
Effectivement, c’est le moment de se relancer. La confiance est totale et toute l’équipe sera derrière leur pilote. Raikkonen sera motivé car il sait que Massa adore ce circuit et c’est le moment aussi de récupérer l’ascendant. Je mettrais Ferrari comme favori pour la Turquie.

« Le favori, c’est Ferrari et Massa »

Quels sont vos pronostics pour le circuit de Turquie ?
A mon avis, le favori c’est Ferrari et Massa, car historiquement, c’est lui qui a gagné les trois dernières éditions et le Brésilien adore ce circuit. Massa est juste devant Raikkonen, mais de toutes les manières, Ferrari est mon grand favori. Ils ont bien progressé et devraient être redoutables sur ce circuit.

En marge de l’aspect sportif, la FOTA a joué la détente avec Max Mosley en annonçant prendre les inscriptions pour l’année 2010. Que pensez-vous de ce conflit entre les écuries et le président de la FIA ?
C’est une fausse détente, il y avait un délai pour les inscriptions et la FOTA. De manière organisée, c’est-à-dire avec toutes les équipes de grands constructeurs, ils ont écrit un courrier en disant qu’ils s’inscrivaient mais sous des conditions bien précises. « Nous savons qu’un délai existe jusqu’au 12 juin, mais nous voulons gérer nous même nos budgets, on veut se limiter nous-mêmes entre les écuries car on sait que nous devons faire des économies, on ne veut pas de limitations de budget donné par la FIA et on ne veut pas d’un règlement à deux vitesses sur le plan technique pour ceux qui ont moins de budgets. » C’est vrai que c’est totalement impossible pour des écuries comme Ferrari, MacLaren ou Toyota qui possèdent de gros budgets de descendre d’une année sur l’autre et d’être dans le dure au détriment de voir des équipes nouvelles ou très faibles mais possédant un avantage technique considérable. La balle est désormais dans le camp du président de la FIA. Donc, soit il accepte les termes de la FOTA, soit un compromis devra être mis en place, soit il repousse les propositions et dans ce cas là, nul ne sait quelle sera l’issue de ce conflit.

Ce qui se déroule en ce moment au cours de la saison, avec les Brawn GP qui écrase tout cette année suite aux changements de règlements, donne en partie raison à la FOTA. Une bagarre plus élargie entre écurie n’a finalement pas eu lieu. Pensez vous que la FIA devrait faire marche arrière ?
La position de la FIA vient d’une volonté de limiter les coûts. La difficulté est qu’il existe un véritable problème de fond entre les équipes et la gouvernance. La Formule 1 est gérée par un pouvoir sportif très puissant, qui est peut être justement un peu trop fort. Quand on veut avoir des constructeurs en Formule 1, il faut savoir accepter aussi une démarche différente pour avoir des petites équipes comme on a pu en connaître par le passé. Mais c’est surtout l’attrait des nouvelles technologies qui coûtent aussi très chères. La F1 veut amener de nouvelles technologies et être le plus proche possible des voitures de série « de demain », mais on veut limiter les coûts. Quand on constate que le SRE, système de récupération d’énergie, a coûté, selon les équipes, entre 15 et 30 millions d’euros, c’est pratiquement le budget que la FIA souhaite imposer l’année prochaine. Globalement, avoir une Formule 1 à deux vitesses n’est pas possible.

La semaine dernière, François Fillon a annoncé vouloir au moins un circuit provisoire pour le Grand Prix de France en attendant un nouveau circuit. Que pensez-vous de cette sortie médiatique du Premier Ministre ?
Le vrai problème de fond est qu’il faudrait accélérer les manœuvres pour pouvoir bénéficier d’un circuit disponible dès 2011. Le travail se poursuit mais quelques voix se sont élevées dont celle de Bourlot qui ont fait beaucoup de mal. On est obligé désormais de passer par un débat public, donc nous allons perdre certainement une année avec tous les problèmes que cela peut causer. D’un autre côté, nous avons un constructeur français et beaucoup de passionnés d’automobile. Attendre jusqu’en 2012, sans Grand Prix serait un peu difficile. C’est pour ces raisons que le Premier Ministre a évoqué l’idée d’organiser un Grand Prix provisoire, soit à Magny-Cours, soit à Castellet ou au Mans. Mais les conditions économiques seraient très difficiles à réaliser. Personnellement, je pense qu’il faut se concentrer essentiellement sur Flins.

En avez-vous parler directement avec François Fillon ?
Nous sommes en contact à travers nos conseillers respectifs, mais nous faisons un bilan économique de chaque situation pour régler les problèmes de délais. A Castelet, il manque des tribunes donc la construction de ces dernières pourrait prendre un peu de temps. La solution la plus réaliste est évidemment Magny Cours, mais est-ce que Eccleston et les équipes voudront revenir alors qu’ils ont déjà annoncé ne plus vouloir y retourner…. Une seule personne ne peut avoir la clé pour régler ces différents problèmes.