La voiture électrique pourra-t-elle tenir ses promesses ?
Article mis en ligne le 30 novembre 2009
dernière modification le 4 octobre 2014

Jean-Louis Borloo a annoncé jeudi 1er octobre un vaste plan pour développer les véhicules électriques, avec un objectif de 2 millions de voitures sur les routes en 2020. Gouvernements et constructeurs sont aujourd’hui lancés dans une course industrielle…Avec quels résultats ?

Les premiers modèles sont annoncés pour 2010- 2011 chez Renault et PSA, mais Volkswagen, Bolloré, Coda et bien d’autres sont sur les rangs. En Chine, BYD commercialise déjà la première voiture électrique de masse depuis fin 2008…et un tiers de son parc automobile sera électrique en 2012. En France, le ministère de l’écologie table sur 27% du marché en 2025, et 15 milliards d’euros générés dès 2030. Outre des vertus écologiques, le gouvernement voit également dans ce nouveau marché une opportunité de relancer un secteur en pleine crise…et qui a pris un certain retard en la matière. D’où l’enveloppe conséquente annoncée par Jean-Louis Borloo - 400 millions d’euros sur quatre ans, auxquels s’ajoutent 70 millions d’euros pour la recherche. Par ailleurs, l’Etat et les collectivités consacreront 1,5 milliard d’euros à l’installation de 400 000 prises de courant d’ici 2020 sur la voirie et dans les parkings publics – qui s’ajoutent aux prises existants chez les particuliers. Le gouvernement ambitionne également de développer avec Renault, leader français sur ce marché, une filière industrielle pour les batteries, via la création d’une usine implantée à Flins (« fief » de Renault) et dotée de 625 millions d’euros. Objectif : 100 000 batteries en 2012, puis 350 000 en 2015.A ce vaste plan de financement s’ajoute un bonus de 5 000 euros jusqu’en 2012, accordé à l’achat de véhicules émettant moins de 60 grammes de CO2.

Les experts moins enthousiastes

Si le gouvernement et les constructeurs annoncent volontiers la naissance d’une « rupture » dépassant largement le marché de niche, plusieurs études récentes menées par des experts se montrent beaucoup plus perplexes. « La part des voitures électriques ne dépassera pas 3,2% du marché mondial dans 15 ans », révèle ainsi la dernière étude du cabinet Oliver Wyman sur les perspectives du marché de l’électromobilité en 2025 (voir article lié). Le cabinet dresse un constat sans appel : « En 2009, moins de 10 000 véhiculent purement électriques seront vendues dans le monde. De même, la flotte mondiale de quelques 2,5 millions de véhicules hybrides est encore un phénomène marginal, en comparaison des 850 millions de véhicules en circulation dans le monde. » L’étude tempère également les annonces enthousiastes des constructeurs : « en 2025, la part des hybrides atteindra certes 16% du marché automobile mondial, mais encore 76 millions de véhicules auront des moteurs à combustion, soit 84% du marché. » Par ailleurs, plusieurs freins techniques s’ajoutent à ce bilan, notamment l’autonomie – de 130 à150 km environ.

Un prix trop élevé

Reste aussi la question du prix. Une étude de janvier 2009 du cabinet BCG estime ainsi que la voiture électrique ne serait compétitive qu’à partir d’un baril de pétrole à 280$... (voir article lié) .Pourtant, certains constructeurs annoncent d’ores et déjà des prix alléchants. Renault a ainsi annoncé son modèle « Zoé » à un « prix abordable, proche de celui d’une Clio diesel grâce au superbonus gouvernemental ». Soit environ 10 000 euros…mais seulement pendant un an, puisque le bonus doit disparaître en 2013. PSA reste en revanche muet sur la question, son offre commerciale « n’étant pas finalisée ».
Quoi qu’il en soit, la voiture électrique reste chère à produire. D’après l’étude du cabinet Olivier Wyman, son coût de production est 150% plus élevé que celui d’une voiture traditionnelle. Et seulement 14 % des consommateurs se disent prêts à assumer un surcoût à l’achat. Pour l’heure, c’est surtout l’Etat et les grandes entreprises publiques et privées qui seront les premiers acquéreurs. 100 000 véhicules devraient être ainsi achetés d’ici 2015.
Enfin, voiture électrique n’est pas synonyme de voiture écologique ! Si l’intérêt majeur de la « voiture verte » réside dans ses faibles émissions de CO2 (60g CO2/km environ), quid de l’énergie pour les alimenter ? En France, elle émettra moins de 20g de GES…grâce au nucléaire, mais elle émet plus de 150g en Chine, où l’électricité est produite à partir de charbon…comme dans d’autres pays européens d’ailleurs. Une critique que ne cessent de rappeler les écologistes : « l’emballement publicitaire autour du véhicule électrique est totalement démesuré, observe Arnaud Gossement de FNE. Une voiture qui roule avec de l’électricité, produite grâce au charbon ou au fioul, émet donc du CO2. (…) Il faut arrêter de nous parler de voiture propre ! La voiture « propre » crée autant d’embouteillages, de déchets et de route qu’une voiture classique ».
Véronique Smée
Mis en ligne le : 01/10/2009
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