Henri Pescarolo : « C’est scandaleux que Briatore s’en tire si bien »
Article mis en ligne le 21 septembre 2009
dernière modification le 4 octobre 2014

Henri Pescarolo, ancien pilote de course et fondateur du Team Pescarolo Sport en 2000, réagit après les sanctions prises par la FIA dans l’affaire Renault.

Que vous inspirent les sanctions prises à l’encontre de Renault et de Flavio Briatore ?

Je suis ravi pour Renault. Si la faute qui a été commise est la plus grave qui puisse exister en course automobile, ce n’était pas la faute de l’écurie française. Sa seule faute aura été de confier les rênes du team à un gangster et à un brigand comme Briatore et de lui donner les pleins pouvoirs pour diriger l’équipe. En ce qui concerne le GP de Singapour, Carlos Ghosn et la direction de Renault n’étaient pas au courant de ses magouilles. Que Renault en tant que constructeur ne soit pas trop pénalisé, je l’attendais et je l’espérais. Par contre, ce qui me choque beaucoup, c’est que le principal responsable s’en tire pratiquement indemne.

Vous savez, quand on commet une infraction qui met la vie d’autrui en danger, cela doit se régler au pénal et pas simplement par une interdiction d’exercer en F1. Il ne s’agit pas seulement d’une tricherie ou d’un match truqué comme il en existe dans le football, ni même d’avoir bafoué le sport. Il a mis la vie d’autrui en danger volontairement et sciemment.

Je trouve qu’on oublie un peu vite qu’Ayrton Senna est mort en heurtant un mur, que le fils de John Surtees vient de mourir à cause d’une roue qui s’est détachée d’une voiture devant lui. Quand on demande à un pilote de heurter le mur à haute vitesse pour en faire gagner un autre, on oublie que le pilote accidenté et les vingt autres sur la piste risquent leur peau.

Renault a donc bien fait de se désolidariser de Briatore et Pat Symonds avant le procès ?

C’était la seule réaction intelligente. Ils n’ont pas nié les faits, au contraire, pour la simple et bonne raison qu’il y avait des preuves irréfutables. Et reconnaître la faute avant la réunion de la FIA, c’était déjà réclamer l’indulgence qu’ils ont obtenue. Pour Renault et pour le sport, c’est une bonne nouvelle. Mais encore une fois, Briatore va aller couler des jours heureux sur son yacht de milliardaire avec l’argent amassé grâce à Renault et c’est scandaleux qu’il s’en tire si bien.

Nelson Piquet Jr n’a pas été condamné. Trouvez-vous cela normal ?

C’est difficile à dire, mais il faut se rappeler le contexte dans lequel se trouvait « Nelsinho » Piquet. Il était menacé de se faire virer par Flavio Briatore à longueur de journée. Il y a 22 pilotes en F1 et 20 000 qui espèrent prendre leurs places. Il voulait donc absolument garder la sienne et il a pensé qu’en obéissant il conserverait son baquet. Piquet était tellement menacé qu’il pensait ne pas avoir d’autre choix. Même si c’est vrai qu’un pilote à qui l’on demande une telle aberration n’est pas obligé d’obéir.

En condamnant Renault à une peine aussi « clémente », la F1 n’est-elle pas en train de se décrédibiliser ?

Cela fait longtemps qu’on sait que la F1 est un sport où l’argent règne en maître. Ce n’est donc qu’un scandale de plus. Mais Renault ne devait pas être exclu de la Formule 1 ; c’est quand même un engagement à très long terme, beaucoup d’argent d’investi et une réputation qui est en jeu. L’image de l’écurie a été très ternie dans cette affaire. Mais cela fait belle lurette qu’on sait que la F1 est une compétition complètement artificielle, régie par l’argent et par des intérêts privés. On ne peut plus vraiment parler d’un sport en ce moment.
Propos recueillis par Frédéric Roullier

Le Monde