Aujourd’hui, les médias sont envahis de publicités émanant des multinationales de l’énergie et de l’eau pour nous convaincre qu’elles contribuent à notre qualité de vie et qu’elles sont devenues indispensables pour rendre notre monde meilleur.
Que ce soit pour lutter pour la survie des ours blancs, pour soi-disant éviter les pillages de ressources de la planète, pour améliorer le niveau de vie de tous, les mieux placées, nous disent ces messages, sont les grandes entreprises multinationales.
Elles veulent bien, du bout des lèvres, que s’inaugure un nouveau droit international, protecteur des biens communs de l’humanité. Elles ne s’opposent pas, le cas échéant, à ce que la loi consacre de nouvelles normes, pour peu que celles-ci n’entravent pas leur croissance et leurs profits. De ce point de vue, les projets du gouvernement qui limitent l’accès au juge sont agréables à leurs oreilles.
Parmi ces nouveaux « bienfaiteurs de l’humanité », les opérateurs d’eau sont évidemment à l’avant-garde. Ils ont bien compris que l’eau, source indispensable et éternelle de vie, les rend légitimes pour nous convaincre de ce qu’ils seraient maintenant les meilleurs promoteurs de la protection de l’environnement. Ils vont jusqu’à caporaliser la seule instance de gouvernance de l’eau (le Conseil mondial de l’eau est dirigé par un haut cadre de Veolia) et prétendent même contribuer à définir cette équation juridique : les biens communs de l’humanité.
Faut-il rappeler que, lors du dernier forum de l’eau à Istanbul, le Conseil mondial de l’eau a refusé de reconnaître à l’eau le statut de droit, mais seulement de celui de besoin. Une visite sur les sites Internet de Veolia Eau et de Suez peut donner l’illusion qu’ils sont plus royalistes que les écologistes. Cela s’appelle du green washing. Il s’agit de mettre en avant les actions de développement durable, bien utiles pour maquiller la réalité des contrats et de leurs conséquences.
Or cette instrumentalisation très habile du message écologique ne peut que laisser perplexe. Certes les grands opérateurs d’eau, dans les pays du Sud, usent et abusent de messages compassionnels à l’égard des populations des bidonvilles concernés. Pour autant, la réalité y est parfois tragique. Prenons l’exemple de la population de certains quartiers pauvres de La Paz (Bolivie) qui a voulu dénoncer, y compris au prix d’émeutes et dans le sang, les conditions dans lesquelles un système de distribution d’eau potable juste et universel ne leur était pas garanti. On peut également s’émouvoir de la corruption et de ses conséquences qui affectent les métiers de l’eau.
Flûte de Pan
A Bruxelles, Veolia a construit à l’orée des années 2000 une gigantesque station d’épuration pour le million d’habitants de la capitale belge. Une affaire enflamme maintenant la Belgique tant il semble qu’on y fait fi des principes de précaution de l’environnement. Récemment, différentes ONG, dont l’association Sherpa et la Fondation France Libertés, ont interpellé M. Gérard Mestrallet, président de GDF-Suez, sur les risques majeurs associés à la construction du barrage hydroélectrique du Jirau sur le rio Madeira en Amazonie brésilienne. Les populations y sont exaspérées face à ce qu’elles dénoncent comme une déforestation au mépris de la loi locale.
La logique du « pas vu, pas pris » permet tous les doubles langages. Cette nouvelle flûte de Pan que nous jouent Veolia et Suez Environnement doit susciter exigences et vigilance. Il est indispensable de rechercher l’information là où elle est dissimulée parce qu’elle dément parfois violemment les discours éthiques de vitrine.
Danielle Mitterrand est présidente de la Fondation France Libertés ;
William Bourdon est avocat au barreau de Paris, président de l’association Sherpa.