La publicité et la morale dans les écoles...
Article mis en ligne le 27 septembre 2011
dernière modification le 28 septembre 2020

Les enfants constituent une cible de plus en plus prisée par les publicitaires, ce qui n’a rien d’étonnant quand on sait que les deux tiers des produits consommés par les enfants le seront encore à l’âge adulte et que ceux-ci sont de plus en plus souvent les prescripteurs des achats effectués par leurs parents. Or, pour certains, l’école représente le lieu idéal pour diffuser des messages publicitaires à l’intention des enfants : c’est là qu’ils se trouvent tous rassemblés et le lieu même tend à garantir l’intérêt et la qualité des messages qui y circulent.

(Rapport “ Le marketing à l’école ”, GMV Conseil, octobre 1998).

Source


Paul Ariès
Politologue, université Lyon II

 L’école pour quoi faire ?

Il existe une différence fondamentale entre la mission ultime de l’école en France et aux États-Unis.
L’école française se donne, en principe, pour but de développer l’autonomie des élèves, c’est-à-dire leur capacité de jugement.
L’école américaine veut intégrer l’enfant dans son groupe.
Elle a donc une visée plus fondamentalement normalisatrice.
L’école française résiste mal malgré son histoire aux assauts du marché.
Les concepts de “ démocratisation de l’école ” et d’accès au savoir pour tous sont, désormais, ouvertement et fortement contestés : la proportion de bacheliers dans une classe d’âge diminue depuis 1996 et le pourcentage d’enfants de milieux populaires à l’université décroît.
Cette régression est conforme aux projets des dirigeants mondiaux. Le “ Centre pour la recherche et l’innovation dans l’enseignement ” de l’OCDE a présenté, en avril 2001, un rapport sur les scénarios prévisibles pour l’école du XXIe siècle : dans deux scénarios sur six, les experts occidentaux prévoient une “ déscolarisation ” massive.
La baisse programmée de la qualité de l’enseignement apparaît également comme une condition pour préparer la privatisation. Il faut que l’école publique soit invivable et inefficace pour que les familles recourent à des moyens plus onéreux de formation. L’essor des Nouvelles Technologies permettra de transférer, dans le cadre d’un secteur public résiduel, une partie des coûts sur les familles. L’OCDE ne cesse d’appeler à cette évolution en affirmant depuis 1996 que “ les étudiants doivent payer tout ou partie de leurs cours ”.

 Pourquoi vouloir casser l’école ?

L’enseignement constitue le dernier grand marché disponible : il représente un pactole de 875 milliards d’euros par an soit autant que l’automobile (in Nico Hirtt, Les Nouveaux Maîtres de l’école, l’enseignement européen sous la coupe des marchés, EPO, 2003).

L’enjeu est cependant tout aussi culturel :

Les représentants du patronat le disent ouvertement depuis 1989.
Leur but est d’influer sur le contenu des formations en imposant aux enseignants les “ valeurs ” dont a besoin le système pour former de bons “forçat ” du travail et de la consommation.

Les élites savent que cette évolution sera néfaste culturellement.

 L’école vendue au marché sera aussi celle victime des petits boulots.

Les états-Unis présentent de bons résultats scolaires jusqu’au moment où les adolescents se mettent à travailler régulièrement : 55 % des élèves de terminale étatsuniens travaillent trois heures par jour contre une moyenne de 18 % dans les autres pays développés.

 Cette guerre contre l’école s’est traduite sur deux fronts :

1 ° - Les sociétés transnationales sont parvenues à se regrouper pour définir des positions communes et offrir un front uni face aux états.
Le GATE (Global Alliance for Transnational Education) est un groupe de pression composé de transnationales comme IBM, Coca-Cola, etc.
Il prône la libéralisation de la totalité des services éducatifs.
Le gouvernement des états-Unis a fait sien officiellement sa position :
“ Le secteur de l’enseignement a besoin du même degré de transparence, de transférabilité et d’interchangeabilité […] d’absence de réglementation […] que celui réclamé par les états-Unis pour les autres industries de service ” (négociateurs américains à l’OMC, in October 16, 1998, the US Department of Commerce)

2 ° - Les patrons européens considèrent aussi l’école comme un enjeu. Les dirigeants de quarante-sept sociétés européennes ont mis en place, en 1983, l’ERT (Table ronde européenne) clone européen du GATE américain. L’ERT augmente peu à peu ses exigences :

  • en 1989, il prône la création d’un système commercial de télé-enseignement ;
  • en 1991, il ajoute que l’université doit devenir une industrie : “ Cette entreprise doit vendre ses produits sur le marché de l’enseignement continu, qui régissent les lois de l’offre et de la demande ” ;
  • en 1994, il précise que “ la responsabilité de la formation doit, en définitive, être assumée par l’industrie […] Le monde de l’éducation semble ne pas bien percevoir le profil des collaborateurs nécessaires à l’industrie […] L’éducation doit être considérée comme un service rendu […] au monde économique […] Les gouvernements nationaux devraient envisager l’éducation comme un processus s’étendant du berceau au tombeau […] L’éducation vise à apprendre, non à recevoir un enseignement […] Nous n’avons pas de temps à perdre ”, etc.
    La Commission européenne suit largement ces recommandations.
    La banalisation de la pub à l’école est une pièce maîtresse sur l’échiquier.

 La pub à l’école ? Bas les pattes !

“ Les campagnes de dentifrice ont sauvé plus de caries que les cours obligatoires d’hygiène. Elles devraient être remboursées par la Sécurité sociale. ” (Jacques Séguéla, L’argent n’a pas d’idées seules, les idées font de l’argent, Point virgule, Les Essentiels, Milan.)

Les rapports entre la pub et l’école sont paradoxaux :

  • d’un côté, la pub ne cesse de violer le territoire scolaire, d’y imposer ses marques, ses repères, sa temporalité, ses rituels, etc. ;
  • de l’autre, la pub donne une mauvaise image de l’école ; l’école représente tout ce qui s’oppose à la faillite des valeurs : la quête d’un sens, le goût de l’effort, la primauté du temps long, l’importance de la transmission, la primauté de la culture sur le paraître, la compétence plutôt que le casting, etc.
    Pub McDo : une prof invite tous ses élèves au “ restaurant ” McDo pour leur prouver qu’elle n’est pas ringarde. A la fin du film, on apprend qu’elle part à la retraite. Est-ce à dire qu’il faut mettre les profs à la retraite et les remplacer par Ronald et la “ culture ” McDo ?

L’école peut être le lieu idéal pour exercer la capacité de jugement des enfants ou pour ancrer des comportements de consommateur.
L’enfant d’âge scolaire développe en effet ses valeurs et ses goûts : ce qui est acquis à l’école et durant cette période reste acquis toute la vie.
La France compte 12 millions d’enfants scolarisés.
Leur pouvoir de prescription est estimé à plus de 100 milliards d’euros. Le pouvoir d’achat personnel des 4-17 ans est de 4 milliards d’euros. Les deux tiers des produits consommés par les enfants le seront à l’âge adulte.

 L’Europe face à la pub

Les arguties en faveur de la pub à l’école sont toujours les mêmes :

1 ° - La pub est partout : il faudrait donc y préparer les enfants.
Faut-il aussi les préparer à la pornographie envahissante ?

2 ° - L’état se désengage de l’école : la pub pourrait voler à son secours !
Peut-on faire confiance aux transnationales pour éduquer nos enfants ?

3 ° - Les enfants seraient de toute façon “ immunisés ” contre la pub :
Ils subiraient tellement de pubs depuis leur berceau qu’ils seraient vaccinés et donc beaucoup plus capables que leurs parents d’y résister. Est-ce pour cela que l’on voudrait manipuler les bébés de six mois ?
L’Europe se considère pourtant comme incompétente en la matière.
Elle peut réglementer nos fromages mais pas protéger nos enfants :
“ Les instances de régulation de la publicité considèrent qu’elles n’ont aucune raison d’appliquer des règles particulières au milieu scolaire, leur intervention se limitant au contenu du message publicitaire indépendamment du moyen par lequel celui-ci est transmis ” (Rapport “ Le marketing à l’école ”, GMV Conseil, octobre, 1998.)

L’Europe recommande plutôt des “ Codes de bonne conduite ”.
Ces Codes feraient merveille là où la publicité scolaire est autorisée en raison d’un vide juridique (Irlande, Italie, Pays-Bas, Autriche, Danemark, Espagne, Suède, Finlande et Royaume-Uni) et ils pourraient se substituer aux lois, là où elle est normalement interdite (Allemagne, Belgique, Grèce, Luxembourg, Portugal et… France).

 La pub contre la laïcité

La France s’apprête à fêter le centenaire des lois organisant la laïcité. Si le but de la laïcité est de préserver la liberté d’opinion et de défendre le sens critique, alors l’invasion publicitaire est une menace.
Nos anciens savaient que la pub est contraire à tout projet éducatif : c’est pourquoi, bien que beaucoup moins victimes de la pub que nous, ils avaient tenu à poser fermement le principe de son interdiction.

Cette interdiction totale, qui existe depuis 1936, a été réaffirmée solennellement en 1952 puis dans les circulaires de 1967 et 1976.
L’Administration a cependant peu à peu violé sa propre règle.
Un inspecteur a même été condamné, en 1993, pour avoir “ méconnu le principe de neutralité scolaire ” en s’associant au Crédit agricole.
Le ministre socialiste de l’Éducation nationale, Jack Lang a alors, sous prétexte d’assouplir le principe de neutralité, conçu une nouvelle réglementation pour éviter de nouvelles condamnations... de l’état.
Il a troqué la notion de laïcité contre celle de “ neutralité commerciale ”.
La nouvelle circulaire du 28 mars 2001 constitue donc une brèche dans un dispositif protecteur puisqu’elle remet en cause l’interdiction :
“ Les établissements scolaires sont libres de s’associer à une action de partenariat ” par laquelle une entreprise fournit des “ documents qui seront remis aux élèves ” et “ peut être autorisée à signaler son intervention comme partenaire dans les documents remis aux élèves.
Elle pourra ainsi faire apparaître discrètement sa marque sur ces documents ”.
Cette circulaire se présente bien sûr comme un “ Code de bonne conduite des interventions des entreprises en milieu scolaire ” (sic).
Le mauvais exemple est venu une fois encore du ministère :
la marque de vêtements “ Morgan ”, notamment, a été associée par Jack Lang à sa campagne contre la violence à l’école.

Que des marques fassent pression pour pénétrer le monde éducatif, on peut le comprendre, puisque c’est leur strict intérêt commercial.
On admet beaucoup moins que les gouvernements choisissent de désarmer l’école au moment où elle est l’objet de ces attaques.

 La pub dans les écoles maternelles et primaires

Les instances gouvernementales sont particulièrement conscientes des formes que prend la pub à l’école ainsi que de ses enjeux culturels.
Il suffit, pour s’en convaincre, de lire quelques phrases du rapport commandé officiellement par l’Europe à une officine spécialisée :
“ Les matériels pédagogiques traitent le plus souvent des thèmes suivants : la nutrition et l’alimentation, l’énergie, l’eau, la santé et l’hygiène, la prévention routière, les devoirs du citoyen, l’économie domestique, les moyens de transport. Rien d’étonnant donc à ce que Colgate et Signal soient présents sur le terrain du brossage des dents. Tampax distribue des dizaines de milliers de tampons dans le cadre d’un programme éducatif concernant les “ premières règles ”. (Le marketing à l’école, GMV Conseil pour Commission européenne, octobre 1998.)

La place de la pub à l’école est aujourd’hui telle qu’il serait impossible d’en dresser un inventaire, fût-il imparfait.
Nous exposerons quelques cas en laissant au lecteur le triste privilège de compléter cette liste à partir de ses propres expériences.

  • Nestlé fait la pub de son chocolat en poudre Nesquick et de ses céréales sous prétexte de présenter un petit déjeuner équilibré.
  • Opération Kellogs dans les écoles maternelles, etc.
  • Colgate-Signal fait sa pub sous prétexte d’éducation à la santé : brossage des dents et prévention des soins dentaires.
  • Danone a conçu un coffret pédagogique “ alimentation plaisir ”.
  • McDonald’s est présent jusque dans les cantines.
  • Liebig propose son kit sur les légumes et l’équilibre alimentaire, etc.
  • Renault propose un kit d’éducation à la sécurité routière.

 La pub dans l’enseignement secondaire

Les collégiens et lycéens ne sont pas mieux protégés.
La vente de produits se pratique, certes, depuis longtemps :
magazines, photos de classe, boissons, friandises, etc.
L’introduction des marques est en revanche beaucoup plus récente.
La vente de magazines se fait désormais de façon agressive.

 Nous citerons quelques exemples :

  • Candia : opération “ capital génétique, alimentation et santé ” par le biais des professeurs de biologie de 3e (215 000 enfants touchés) ;
  • Texas Instruments et Casio organisent des stages pour l’utilisation de leurs calculatrices toujours plus sophistiquées ;
  • Coca-Cola propose un dossier “ découverte de l’entreprise ” ;
  • placards publicitaires dans les plaquettes de présentation des établissements (avec l’aval du ministère de l’Éducation nationale) ;
  • mallettes pédagogiques sponsorisées (jeux, CD ROM, etc.) ;
  • distribution gratuite (1996) d’agendas truffés de pubs ;
  • distributeurs de boissons, de barres chocolatées, etc.
    (pourquoi ne pas leur préférer des fontaines d’eau froide ou de lait ?)
  • mobilier scolaire sponsorisé par des marques (poubelle de classe) ;
  • spectacle gratuit offert par des marques assurant leur promotion : spectacles Ronald McDonald’s, voyage Disneyland, etc. ;
  • opérations “ citoyennes ” (sic) parrainées par des entreprises ;
    ex. : journée environnement dans les écoles primaires avec Leclerc.
    Les enfants sont vêtus, à cette occasion, d’un maillot avec la mention
    “ Leclerc défend l’environnement ” avec un bon gros logo ; puis organisation d’un goûter collectif avec les produits de la marque ;
  • racolage à proximité immédiate de l’école :
    ce marketing de rue utilise systématiquement les petits “ caïds ” ;
  • distribution de produits, de bons de réduction, etc. ;
  • Journée de l’enfance de l’UNESCO, parrainée par McDo ;
  • Gaz de France organise un concours d’affiches sur le thème du transport du gaz naturel ;
  • multiplication des accords entre l’USEP et des marques ;
  • distribution de produits de marques et de documents sur l’hygiène alimentaire dans le cadre de la restauration scolaire ;
  • parrainage de soirées étudiantes par des fabricants d’alcool ;
  • journaux gratuits truffés de pub déposés dans les écoles ;
  • la banque CIC organise un jeu-concours boursier des “ Masters de l’économie ” : l’objectif est d’initier les jeunes lycéens à la bourse en formant des clubs de 5 élèves encadrés par un parrain (enseignant).

Plusieurs associations comme Attac ont demandé l’interdiction de ce jeu dans l’enceinte des établissements publics car il vise à inculquer des réflexes boursicoteurs propices à une économie-casino.
L’Association des professeurs de sciences économiques s’est également opposée fortement à cette initiative commerciale.
Le ministre socialiste de l’Éducation nationale Jack Lang a défendu cette campagne au nom de “ la formation du citoyen et du consommateur ”. Jean-Luc Mélenchon, son ministre délégué à l’Enseignement professionnel, interdira, lui, ce concours dans les lycées professionnels.

 L’école doit respecter nos enfants et les protéger de la pub !

Les jeunes doivent se faire respecter et imposer le respect de la loi !
Quel exemple donnent certains chefs d’établissement prêts à vendre l’âme des élèves dont ils ont la charge pour quelques kopecks ?
Les citoyens doivent se mobiliser pour obtenir l’abrogation de ce pseudo “ Code de bonne conduite des interventions des entreprises en milieu scolaire ” qui, malgré le rappel du devoir de “ neutralité ” (circulaires du 27 avril 1995 et du 9 août 1999), ouvre, en réalité, les portes de l’école aux “ marchands ”.

 La situation nord-américaine : Une anticipation possible ?

L’Europe doit-elle s’aligner sur le Canada ou les États-Unis ?
Des entreprises canadiennes ont créé la “ Conférence Kid Power ” (pouvoir des enfants au Canada) pour défendre le droit des enfants à être considérés comme des consommateurs… comme les autres.
Leur but est clair : faire tomber les ultimes résistances culturelles et obtenir une non-réglementation favorable à la publicité à l’école. Les entreprises de marketing scolaire pourraient alors vendre plus aisément leurs méthodes de psychociblage des enfants.

Les écoles américaines récoltent 750 millions de dollars par an via la pub. Mais à quel prix ? Nous donnerons quelques exemples :

  • les élèves ont l’obligation de regarder des séquences de publicité à l’école en échange de gros paquets de dollars pour leur établissement. Cette télévision (Channel One) existe, depuis 1990, dans tous les états, sauf ceux de New York et de Californie. La société Primedia installe gratuitement télévisions, magnétoscopes et antennes satellites et, en contrepartie, les élèves de 11 à 17 ans doivent regarder, pendant au moins 90 % des jours scolaires, un journal télévisé de dix minutes comprenant deux minutes de pub.
    L’impact est tellement fort que le séquence de trente secondes est commercialisée 150 000 dollars. Cette expérience concerne déjà plus de 40 % des lycées et collèges. Les lycéens qui se sont révoltés ont été sanctionnés, voire conduits au poste de police pour… non-respect du règlement intérieur ;
  • des marques obtiennent, en échange de leur sponsoring, le droit de faire figurer leur logo sur les murs des lycées, dans les cours de récréation, sur le sol des gymnases (vêtements de sport) ou sur les rideaux des réfectoires (producteurs d’aliments ou de boissons), etc. ;
    – l’apprentissage à la lecture ou au calcul se fait souvent avec des personnages emblématiques de marques ou des mises en situation impliquant la consommation de produits de marque ;
    – il existe une profusion de mallettes pédagogiques.

Exemple d’un exercice tiré d’un ouvrage de mathématiques utilisé dans de nombreux états américains pour les élèves de CE2 :
“ Will fait des économies pour s’acheter une paire de Nike à 68,25 dollars. Si Will gagne 3,25 dollars par semaine, pendant combien de semaines devra-t-il économiser ? ” etc. ;

  • la soupe Campbell distribue un programme d’initiation à l’arithmétique qui permet de calculer combien sa soupe est plus épaisse que celle de ses concurrents (sic) ;
  • General Mills propose de distribuer des bonbons pétillants de sa marque pour expliquer aux élèves le phénomène des sources géothermiques ;
  • plus de 200 écoles maternelles américaines sont équipées d’une méthode d’apprentissage de lecture publicitaire sous prétexte que les petits savent identifier les logos des entreprises dès l’âge de deux ans ;
  • des classes sont sponsorisées par des marques qui leur fournissent “ gratuitement ” des produits “ pédagogiques ” labellisés, des jeux, des cassettes vidéo, des cahiers d’exercices et des échantillons gratuits, etc. ;
  • des établissements imposent le port d’un maillot avec le nom ou le logo d’une marque, certaines écoles les imposent aux enseignants avec, au-devant, le nom de l’école et, au dos, celui d’une boisson ;
    – des écoles ont remplacé les bonnes vieilles images et bons points par des bons d’achat ou de réduction offerts par des marques ;
    – les affiches publicitaires sont présentes dans les couloirs ;
  • Pizza Hut a lancé son programme “ Book It ! ” avec l’agrément du ministère de l’éducation. Les enseignants fixent des objectifs de lecture. Les élèves qui réussissent sont accueillis par le gérant d’un Pizza Hut qui leur offre autocollants, médailles, diplômes et une part de pizza gratuite. Plus de 300 millions d’enfants, du jardin d’enfants au CM2, ont déjà participé à cette opération ; plus de 175 millions de parts de pizza gratuites ont, également, été distribuées ;
  • Kellog’s organise un jeu-concours “ éducatif “ pour les élèves des écoles primaires qui doivent collecter des symboles de la marque. La marque verse 10 cents l’exemplaire au profit de l’établissement. L’école participe à un tirage au sort pour obtenir du matériel scolaire ;
  • Domino Pizza distribue gratuitement des manuels scolaires dans les écoles mais proportionnellement au nombre de pizzas commandées à la cantine ;
    – les établissements scolaires signent des contrats d’exclusivité avec des géants du soda prévoyant des objectifs de vente, par exemple 50 canettes minimum par an et par élève ainsi qu’un nombre minimal de distributeurs dans les couloirs, etc.
    Des écoles et universités s’engagent, aussi, à vendre une marque, ce qui aboutit à ne plus offrir d’autre choix même dans les cafétérias ;
  • développement de la publicité dans les autobus scolaires ;
  • “ Journée Coca-Cola ” (“ Coke Day ”) : des établissements organisent des journées à la gloire de la marque. Mike Cameron, étudiant de Greenbrier High School, à Evans, au Colorado, a été suspendu car il portait un polo “ Pepsi “ le jour du “ Coke Day ” “ ruinant ” ainsi une photographie à la gloire de Coca sur laquelle les élèves habillés en rouge et blanc formaient le mot “ Coke ”. Cette journée devait rapporter 10 000 dollars à cet établissement ;
  • organisation de simulations d’entretiens d’embauche avec des représentants de sociétés : un élève, ayant expliqué à un gérant de McDo qu’il ne comptait pas travailler dans une entreprise “ qui ment aux consommateurs et ravage la forêt amazonienne ” a dû présenter publiquement des excuses ;
  • opération Nuit des profs : les profs aident les équipiers McDo pendant quelques heures, les écoles empochent 20 % de la recette sur les ventes de ce jour, etc. ;
  • voitures d’instituteurs couvertes d’autocollants publicitaires pour des céréales (General Mills versait 250 dollars par instituteur) ;
  • General Mills organise dans les écoles des dégustations d’échantillons de ses produits lors des cours de sciences.
    Exemple amuse-gueule à base de fruits ;
  • programme d’Education Market Ressources (EMR) : il s’agit de contrats de partenariat entre des écoles et des sociétés de marketing spécialisées dans l’étude du comportement d’achat. Les élèves sont “ loués ” à des sociétés spécialisées pour former des panels ce qui permet de les utiliser/exploiter comme précurseurs de tendance.
    Avec étude scientifique de leurs comportements d’achat.
    Tout ceci bien sûr durant les cours.
    Jusqu’à 10 % du temps scolaire.

 Pour “ une rentrée sans marques ” !

Cette invasion de la pub à l’école est une couleuvre dure à avaler.
Les protestations se multiplient dans de nombreux pays : réaffirmation du principe d’interdiction de la pub dans certains établissements, initiatives de la part de parents, d’élèves, d’éducateurs, etc.
La lutte contre la pub à l’école prend aujourd’hui deux formes :

  • le refus des jeunes d’être transformés en “ hommes-sandwichs ” ;
  • le refus des enseignants d’être instrumentalisés par des marques.

La pub à l’école, c’est :

  • une confusion des registres :
    Est-on à l’école pour apprendre à devenir un “ bon ” consommateur ?

 La pub c’est l’anticulture par excellence.

L’école doit redevenir un lieu de transmission de la culture !

  • une confusion des genres :
    La pub c’est du “ flicage ” et de la manipulation.
    L’école doit redevenir un lieu de confiance et d’éveil !
  • une violence pas seulement symbolique :
    Comment s’étonner que cette violence sécrète une autre violence ?

Le racket ne concerne pas des produits de marque par hasard !
Interdire la pub et les marques à l’école, c’est nécessaire pour faire reculer la violence et créer les conditions de l’accès à la culture !
L’enjeu n’est pas d’ouvrir (sic) ou de sanctuariser l’école.
C’est d’élargir la laïcité, seule capable de développer l’autonomie :
Nos anciens ont bouté les “ curés ” hors de l’école.
Il nous appartient aujourd’hui d’en chasser le marché.
Les enfants ne sont pas de la chair à pub.
Pas de “ dealers ” de marques à proximité ou dans les écoles.
Pas de Pub et pas de marques dans les écoles !
Créons des “ comités pour une rentrée sans marques ! ”

 Libérer l’école de la pub

Chaque rentrée scolaire est l’occasion de transformer un peu plus les enfants en hommes-sandwichs pour le profit des grandes marques. Le Mouvement pour une rentrée sans marques est né à l’initiative de Casseurs de pubs, des jeunes qui refusent de devenir de la chair à pub pour les guerres économiques. Ce débat sur la place de la publicité à l’école pèse 100 milliards d’euros, et concerne 12 millions d’enfants scolarisés. L’enfant d’âge scolaire développe ses valeurs et ses goûts : ce qui est acquis durant cette période reste acquis toute la vie. Les deux tiers des produits consommés à cet âge le seront aussi à l’âge adulte. L’Europe, consciente des dangers, recommande des codes de bonnes conduites. Ils feraient merveille là où la publicité scolaire est autorisée en raison d’un vide juridique (Irlande, Italie, Pays-Bas, Autriche, Danemark, Espagne, Suède, Finlande et Royaume-Uni) et pourraient se substituer aux lois là où elle est normalement interdite (Allemagne, Belgique, Grèce, Luxembourg, Portugal et... France).

La France, qui s’apprête à fêter le centenaire des lois de laïcité, oublie pourtant que son but à l’école est de défendre la capacité de jugement. Nos anciens savaient que la publicité est contraire à tout projet éducatif : c’est pourquoi, bien que beaucoup moins victimes que nous, ils avaient tenu dès 1936 à poser le principe de son interdiction. Cette protection a été réaffirmée en 1952 puis en 1967 et 1976. L’administration a cependant peu à peu violé sa propre règle. Un inspecteur a même été condamné, en 1993, pour avoir « méconnu le principe de neutralité scolaire » en s’associant à une banque. Le ministre (socialiste) de l’Education nationale, Jack Lang, avait alors, sous prétexte d’assouplir et de moderniser le texte, troqué le vieux principe d’interdiction contre celui de « neutralité commerciale ».

Pourquoi l’Etat a-t-il choisi de désarmer l’école au moment précis où elle devenait l’objet de toutes les agressions ? L’enseignement constitue le dernier grand marché disponible avec 875 milliards d’euros par an. Cette invasion publicitaire est aussi inséparable de la volonté des « maîtres du monde » de s’approprier son contenu éducatif. Les grands patrons réunis au sein de la Table ronde européenne (ERT), véritable clone du Gate américain (Global Alliance for Transnational Education), ne le cachent pas : « Le monde de l’éducation ne semble pas bien percevoir le profil des collaborateurs nécessaires à l’industrie [...] L’éducation doit être considérée comme un service rendu au monde économique. »

Le développement de la publicité à l’école est pourtant une abomination. Elle laisse croire aux enfants que le bonheur serait dans la consommation. Comme si posséder dix paires de baskets permettait de courir dix fois plus vite. Plus grave encore : elle donne l’illusion qu’il serait possible de compenser les carences narcissiques et la perte des repères par la consommation de produits de marques qui fonctionnent comme des identités de substitution : on a des enfants Nike, Coca-Cola, etc. L’Etat ouvre parallèlement l’accès de l’école aux entreprises sous prétexte de développer le partenariat : mallettes pédagogiques (Nestlé fait la publicité de son chocolat en poudre Nesquick et de ses céréales sous prétexte de présenter un petit-déjeuner équilibré, Kellogs poursuit ses opérations en maternelle, Colgate-Signal propose une éducation au brossage des dents, Danone a conçu un coffret pédagogique « alimentation plaisir », etc.), sponsoring (McDonald’s, Coca-Cola, Leclerc, etc.), encarts publicitaires dans les plaquettes des établissements, journaux gratuits truffés de pub déposés dans les écoles...

L’Europe doit-elle s’aligner sur le Canada ou les Etats-Unis ? Des entreprises canadiennes ont créé la Conférence Kid Power pour défendre le droit des enfants à être considérés comme des consommateurs comme les autres. Les écoles américaines récoltent 750 millions de dollars par an via la pub. Mais à quel prix ? Les élèves de 11 à 17 ans ont l’obligation de regarder, pendant au moins 90 % des jours scolaires, un journal télévisé de dix minutes comprenant deux minutes de pub. Des marques obtiennent le droit de faire figurer leur logo sur les murs des lycées, dans les cours de récréation, sur le sol des gymnases, sur les rideaux des réfectoires, dans les bus scolaires, etc. L’apprentissage à la lecture et au calcul se fait avec des personnages emblématiques de marques ou des mises en situation de consommation. Des classes sont sponsorisées par des marques qui leur fournissent « gratuitement » des produits « pédagogiques » labellisés, des jeux, des cassettes vidéo, des cahiers d’exercices, des échantillons gratuits. Des établissements imposent le port de tee-shirt avec des publicités, d’autres remplacent les images par des bons d’achat ou de réduction.

Pizza Hut a lancé son programme « Book It ! » avec l’agrément du ministère. Les bons élèves sont accueillis par le manager d’un Pizza Hut qui leur offre autocollants, médailles, diplômes et une part de pizza : 300 millions d’enfants ont déjà participé à cette opération. Domino Pizza distribue gratuitement des manuels scolaires mais proportionnellement au nombre de pizzas commandées le midi à la cantine. Les écoles signent des contrats d’exclusivité avec des géants du soda prévoyant des objectifs de vente, par exemple 50 canettes par an et par élève, ainsi qu’un nombre minimum de distributeurs dans les couloirs de l’école. Les instituteurs qui acceptent de couvrir leur voiture avec des autocollants publicitaires reçoivent de l’argent. En échange, les sociétés organisent des dégustations d’échantillons lors de leurs cours. Les élèves sont également « loués » à des sociétés spécialisées qui étudient leur comportement d’achat et les utilisent comme précurseurs de tendance. Tout ceci a lieu durant les cours et occupe jusqu’à 10 % du temps scolaire.

La lutte contre la publicité à l’école prend deux formes. Le refus de certains jeunes d’être transformés en hommes-sand wichs : ces « démarqueurs » se caractérisent par des tenues ou des matériels vierges de tout logo ou mention publicitaire. Et le refus de certains enseignants d’être instrumentalisés par des marques.
La publicité à l’école repose sur une confusion des registres : est-on à l’école pour apprendre à devenir un « bon » consommateur ?
La pub, ce n’est pas la culture des jeunes mais une anticulture.
La culture, plus on la fréquente tôt, plus on devient un adulte autonome.
La pub, plus on y est soumis tôt, plus on devient « accro » aux marques.
Les enfants ne sont pas de la chair à pub.
Et nous ne voulons pas de « dealers » de marques à proximité ou dans les écoles !

Exigeons l’abrogation de la circulaire du 28 mars 2001 !

Paul ARIÈS Libération - 8 septembre 2003
Paul Ariès est politologue à l’université Lyon-II. Dernier ouvrage paru : « Putain de ta marque, la pub contre l’esprit de révolte » (Editions Golias, 23 euros)

 Pour que la morale à l’école ne devienne pas :

Bonne rentrée, courage aux enseignants et surtout ne lâchez rien.

La loi qui assouplie l’entrée des marques dans l’école..

Un best off de ce qu’on peut lire de pire en matière de commentaires

Tous les liens bleu marine sont à consommer sans modération....

 Nouvelle des antipodes

12/10/2011 Pub dans les écoles, des nouvelles des antipodes...
No comment mais la marchandisation de l’EN n’est vraiment plus rampante... Sauf quand elle aura trop bu nos liquidités...
Si vous cherchez des partenaires pour financer des projets, voici un exemple.
Ce n’est pas nouveau mais je viens de tomber sur cette page.
(« Let’s go » est le nom du logiciel d’apprentissage...)

Grâce au partenariat entre l’Éducation Nationale et la Brasserie de
Tahiti, je suis fier de boire (bye bye les Alcooliques Anonymes !)
puisque cette enseigne finance les logiciels d’apprentissage d’anglais de nos élèves. Je comprends mieux maintenant pourquoi les parents boivent : c’est pour la bonne cause ! Let’s Go*, let’s drink !