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Des serres espagnoles aux assiettes françaises

Et pour quelques tomates de plus

Nos habitudes de consommation ne sont pas sans conséquences. Ainsi, dans un kilo de tomates, en hiver, on trouvera : un goût insipide ; l’exploitation féroce, en Espagne, des immigrés ; celle de chauffeurs routiers venus de l’Est ; la pollution produite par leurs camions ; les profits de la grande distribution ; et, in fine, une réflexion sur… la mondialisation des échanges commerciaux.

Tous les ans, c’est la même chose. A partir d’octobre, les tomates de pays, c’est-à-dire produites localement, disparaissent peu à peu des étals des marchés et supermarchés d’Europe de l’Ouest, pour laisser place à un seul produit : la tomate espagnole — dure, croquante ou farineuse, sans véritable goût, et qui, au lieu de finir de mûrir dans votre corbeille à fruits, reste pâle et pourrit très vite. « Les Français veulent manger des tomates toute l’année, et même en plein hiver, constate Robert C., responsable des fruits et légumes dans un hypermarché Carrefour du sud de la France. Donc, nous fournissons ! »

Or, comme les Allemands, les Britanniques, les Néerlandais, les Polonais et d’autres, les Français refusent de payer leur kilo de tomates à un prix supérieur à 2 euros, même pendant la mauvaise saison. La solution à cette contradiction agronomique — les faire pousser en hiver — et économique — réussir à les produire pour moins de 50 centimes le kilo, afin qu’elles arrivent à moins de 2 euros sur les étals — a été trouvée dans une minuscule région d’Andalousie, Almería, coincée entre la Méditerranée et l’imposante sierra de Gádor. Une région qui combine le taux d’ensoleillement le plus élevé d’Europe avec la main-d’œuvre la plus mal payée.

Le promeneur de passage dans ces lieux autrefois désertiques, qui servirent de décors naturels à quelques-uns des plus fameux westerns-spaghettis, ne peut qu’être frappé par le spectacle de milliers de serres en plastique, certaines bâties comme des forteresses, d’autres à moitié déchirées et battues par les vents. Combien y en a-t-il en tout ? Trente mille environ, disposées à touche-touche sur trente à quarante mille hectares. Des dizaines de milliers d’immigrés, dont une bonne partie sans papiers, y travaillent afin de fournir en permanence des fruits et des légumes aux consommateurs européens.

Selon M. Juan Carlos Checa, chercheur au laboratoire d’anthropologie sociale de l’université d’Almería, « on peut estimer le nombre d’ouvriers (...)

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Aurel & Pierre Daum

Respectivement illustrateur et journaliste.
Repris dans « Ce que manger veut dire »,
Manière de voir n˚142, août - septembre 2015.

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