Le bio à fond la caisse à Flins
Article mis en ligne le 26 mai 2010
dernière modification le 12 juillet 2010

Pot de terre.

Après des mois de controverse « automobile-emploi » contre « agriculture-santé », épilogue de la saga du projet de circuit de Formule-1 à Flins-Les Mureaux.

La Région Ile de France a finalisé l’acquisition des 178 hectares de terrain, dont 140 de terres agricoles, sur les communes de Flins et des Mureaux (78), qui avaient été un temps destinées à accueillir le projet de circuit de Formule-1 cher au cœur du président déchu du Conseil général des Yvelines Pierre Bédier.

Les terres, situées sur un important captage d’eau potable, seront exploitées par des agriculteurs bio : deux maraîchers et un céréalier comme l’avait prévu le Conseil régional… en 2007.

Entretemps et quelques millions d’euros de fouilles et d’études de faisabilité plus tard, le site aura été le théâtre d’une âpre bataille entre partisans de la « Vallée de l’auto » et défenseurs de l’agriculture locale.

Totalement contradictoire avec l’objectif du Grenelle I de l’environnement de tripler à 6% en 2012 la part d’agriculture bio de la surface agricole utile en France (le bio pèse moins de 1% en Ile-de-France) le projet de circuit avait subi les foudres de Jean-Louis Borloo voici plus d’un an, le 7 avril 2009 : « Il est sur des champs de captage d’eau, donc pour moi ce problème est réglé. De surcroît, ce sont des espaces qui sont réservés au schéma directeur régional d’Ile de France pour l’eau et pour une agriculture de proximité, une agriculture biologique. J’ai vu que des gens continuaient à dire qu’ils étaient contre, notamment il y a deux jours dans un grand quotidien du soir, mais le problème est, en l’état, réglé. »
« La fin de l’histoire semble écrite »

Réglé ? Pas tout à fait. Le verdict de Borloo n’empêchait nullement L’Express d’écrire la même semaine : « Qu’importe l’opposition d’une partie des élus locaux, de la région Ile-de-France, des associations écolo, du ministre du développement durable. Flins est bien parti pour remporter la timbale. Nicolas Sarkozy a rencontré Alain Prost à ce sujet. Alain Prost est connu de Bernie Ecclestone. Bernie Ecclestone est attendu à Flins pour visiter les lieux. La fin de l’histoire semble être écrite. »

Le projet avait d’ailleurs suscité force envolées industrieuses dont celle de François Fillon, grand amateur de sport automobile. « Le Conseil général des Yvelines aura toujours les moyens de construire un circuit de F1 […] Penser que la France n’aurait plus la possibilité d’organiser un Grand Prix de F1 car ce serait au-dessus de ses moyens, sachant que dans le projet des Yvelines le groupe Lagardère, qui a les reins solides, est totalement engagé ? Il faut que tout le monde reste raisonnable… La F1 perdrait beaucoup s’il n’y avait plus de Grand Prix en France. » (7 février 2009).

« Nous voulons garder le Grand Prix de France de Formule 1, qui fait partie de notre patrimoine sportif. Pour cela, il faut réunir plusieurs paramètres, dont le premier est la construction d’un circuit. Ce premier paramètre est réglé, nous avons un président de Conseil général qui s’engage pour 120 millions d’euros ». (Bernard Laporte, avril 2009)
Le président du CG avale un pneu

En pole position dans le dossier, le successeur de Bédier à la présidence du Conseil général des Yvelines, Alain Schmitz, a quant à lui dû avaler une couleuvre en forme de pneu.

Ainsi lançait-il encore en juillet : « Quatrième priorité (mais pas des moindres) enfin, la Vallée de l’Automobile (…) pour exister face à la concurrence internationale a besoin d’une vitrine qui lui assure sa renommée : C’est l’intérêt du projet de circuit pour accueillir l’épreuve française d’une compétition de renommée internationale. Ce circuit est la garantie immédiate d’ouvrir la Vallée de l’automobile au monde, d’y attirer les meilleurs chercheurs et de réussir sa reconnaissance internationale. Très rapidement, j’entends créer et organiser la première compétition de véhicules électriques indépendantes du projet F1 mais néanmoins complémentaire. »

Las ! Au même moment, le secrétaire d’Etat au Grand Paris Christian Blanc affirme que « le circuit de Formule 1 ne se fera pas à Flins ! ». Réaction immédiate d’Alain Schmitz : « Je confirme tout mon soutien et celui de mon assemblée (ndlr : le Conseil général) pour que ce circuit voie le jour ». Le projet a « le soutien du Premier ministre ». « J’en ai eu confirmation ce matin même par le conseiller sport du Premier ministre. » Alain Schmitz déclarera finalement l’abandon du projet le 2 décembre 2009.

Mais la pilule n’est pas passée pour tout le monde. Et il a encore été question de Flins sans F1 jeudi dernier, aux premières « Assises nationales du sport et du développement durable (sic) » organisées par Rama Yade. Interrogée sur le dossier Flins, la secrétaire d’Etat aux sports a confié : « Il est selon moi impensable que ce grand projet sportif ait été abandonné pour des raisons écologiques. On doit pouvoir réconcilier le sport et l’écologie ». « Sur le projet de Flins, le sport a perdu face aux écolos, a ajouté Rama Yade. Mais avec ces assises, on assiste au début d’un nouvel échange. Nous écoutons les ONG mais elles doivent aussi nous écouter. »

Le duel auto-bio n’a pas fini de germer.
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