2 milliards d’euros : le petit cadeau de l’Etat aux sociétés d’autoroutes
Article mis en ligne le 6 février 2010

Pour les proprios des sociétés d’autoroutes, fraîchement privatisées, le père Noël s’est habillé en vert. Cinq des six sociétés concessionnaires ont obtenu du gouvernement la prolongation d’un an de leur concession. L’équivalent d’un cadeau de 2 milliards d’euros. Au nom de l’écologie !

Décidément, les bétonneurs Eiffage et Vinci, qui ont mis la main sur les sociétés d’autoroutes, ont fait une super affaire. Ils les avaient raflées à vil prix sous Villepin, pour 15,5 milliards d’euros au lieu des 22 milliards auxquels les estimait la Cour des comptes — ce que nous confirme un des banquiers d’affaires qui a conclu le deal : « mon client, en accord avec nos calculs était prêt à payer 40% plus cher ». Ça fait mal, mais Bercy avait trouvé une parade pour se refaire : augmenter la redevance domaniale à laquelle les sociétés d’autoroutes sont astreintes. Raté. Le doublement de cette redevance, soit 200 millions d’impôts supplémentaires, initialement prévu dans la loi de finances a mystérieusement disparu en juin 2009.

Comme si cela ne suffisait pas, c’est maintenant un énorme cadeau de plus de 2 milliards d’euros qui tombe dans le bec d’Eiffage et Vinci. En prolongeant d’un an leur droit de concession, qui prend fin aux environs de 2030, l’accord passé avec Jean-Louis Borloo, le ministre de l’Environnement, leur permet donc de continuer à percevoir des péages (9,5 milliards d’euros de chiffre d’affaires aujourd’hui) sur les usagers 12 mois de plus. À la différence que, à ce moment-là, les deux entreprises n’auront plus un sou de dette. Tout ira donc dans la poche des heureux actionnaires — une fois payés l’entretien des infrastructures et le personnel. Du moins ce qui restera du personnel. Car en épluchant la ventilation des « engagements verts » de 1 milliard d’euros sur trois ans, une chose saute aux yeux : près d’un tiers des sommes détaillées, soit 800 millions d’euros sur 1 030 annoncés, sont destinés à la mise en place de péages automatiques — en remplacement d’employés en chair et en os.

Sous couvert de réduction de CO2 — moins d’arrêts, donc moins de bouchons, donc moins de gaz d’échappement — les bons vieux péages feront place à des portiques à facturation automatique. « Voilà typiquement le genre d’investissements que les sociétés d’autoroutes auraient de toute façon réalisé, et qu’elles font d’autant plus facilement qu’ils sont de fait subventionnés », s’amuse un haut fonctionnaire du ministère des Transports. 200 autres millions d’euros iront à la rénovation des aires de repos « éco responsables » et de certains bâtiments, avec « Tri sélectif des déchets », « rénovation des sanitaires ». Sanef s’engage ainsi à « la création d’un bâtiment « Eco Pole » regroupant les services techniques, péage et maintenance. » Bref, la construction de simples locaux… Alors bien sûr, il y a des fonds prévus pour la « biodiversité » (les petites bébêtes) : 3 % du milliard…

Quant aux sommes — 200 millions tout de même — dont l’affectation n’est pas précisée, la réponse de la porte-parole de l’Association des sociétés françaises d’autoroutes résume bien les choses : « écologiquement, c’est pas très parlant ». Car là aussi, sous couvert de réduction des émissions de CO2, les sociétés d’autoroutes vont en réalité investir dans des programmes très rentables pour leur compte d’exploitation : la gestion dynamique du trafic. C’est-à-dire des systèmes d’information pilotant des matériels de signalisation pour fluidifier le trafic, par exemple en calculant puis en indiquant aux usagers la vitesse de circulation optimale. Du CO2 en moins, certes, mais aussi, et surtout, plus de trafic (donc plus de CO2 au bout du compte).

Bref, pour Eiffage et Vinci, c’est encore noël : des cadeaux comme s’il en pleuvait. Et l’avenir s’annonce tout aussi généreux. Le gouvernement vient en effet d’accorder une hausse de 0,5% des péages, alors que l’inflation sur la période de calcul (octobre 2008-octobre 2009) fut nulle. Mieux : d’autres tronçons vont être mis en concession : fin décembre a été lancé l’appel d’offre pour la transformation en autoroute de la RN10 pour la traversée les Landes et sa mise en concession pour 50 ans.

Marianne