Les cantines, plus industrielles que Grenelle
Article mis en ligne le 6 février 2010

Trop cher, trop compliqué… Les expériences bio restent limitées.

Au menu de ce jeudi d’octobre, il y a marqué bio. Enchantée, la mère : « Oh, mais tu as de la chance tu as mangé bio ? ». Le fils : « T’emballes pas maman, c’était juste le yaourt. » Parce que la cantine tout bio, voyez, on n’y est pas encore. Depuis 2007, la demande de bio dans les cantines explose bien, mais les producteurs et les professionnels de la restauration collective ont du mal à suivre, se plaignait ainsi en octobre un représentant de la Fédération nationale de l’agriculture biologique (Fnab) au salon Cantina. Et pourtant il va falloir s’atteler à la charrue bio, vu qu’à l’horizon 2012, les produits bio devront représenter 20 % de la composition des menus, suivant une directive du Grenelle de l’environnement.

Surcoût. Pour l’heure, un tiers des établissements (26 000) de restauration collective servent des repas bio, un chiffre qui devrait monter à sept restaurants scolaires sur dix en 2012. Selon une étude commandée en 2009 par la fédération des mairies des villes moyennes (FMVM), 8 % des communes interrogées servent plus de 20 % de produits bios, et 22 % n’en servent pas du tout. En majorité, ce sont les fruits, les légumes et le pain qui sont bios. Les bons élèves ? La Bretagne (tout est parti en 2003 du resto U de Lorient qui a proposé des repas bio aux étudiants), les régions Provence-Alpes-Côte d’Azur, Rhône-Alpes et Languedoc-Roussillon sont pionnières. Mais la ville française à appliquer de manière générale le bio à la cantine, « c’est Saint-Etienne, explique fièrement son maire, Maurice Vincent (PS). 50 % de la totalité des 25 000 repas servis quotidiennement sont bios ». 10 % seront ajoutés chaque année pour arriver en 2014 à 100 % de bio dans les cantines stéphanoises. Principales difficultés rencontrées par l’équipe municipale, le prix d’abord : « 10% de plus, poursuit l’édile de Saint-Etienne, qui ne se retrouvent pas sur la facture des familles. Ce surcoût a été amorti en réduisant les frais généraux. » Autre écueil : l’offre qui est souvent peu adaptée à la demande, la filière bio ayant du mal à approvisionner les gros volumes exigés par la restauration collective. « A Saint-Etienne, nous avons cherché et trouvé les produits issus de l’agriculture biologique dans un rayon de 60 km environ, dans la Loire et en Rhône-Alpes. »

Malbouffe. Comme il s’agit d’un programme à long terme, le projet bio présente l’avantage de « soutenir l’économie locale », poursuit Maurice Vincent, « en encourageant les conversions vers le bio, vu la durée du contrat, séduisante pour les agriculteurs ». Tout cela nécessite une évidente organisation en amont, à voir l’exemple de Saint-Etienne, où sont élaborés les menus six mois à l’avance, où des plats parfois bizarres au goût des enfants leur sont proposés - sans aller toutefois jusqu’au tofu-topinambour - et où la viande a été laissée de côté jusqu’en 2014 : trop coûteuse, trop difficile à trouver localement.

Bref, comment faire pour obtenir une cantine bio pour ses enfants ? Se regrouper entre parents, en parler au chef d’établissement, voir avec le maire, qui est responsable de la restauration collective, les cuisiniers, les « acteurs locaux de la filière biologique », comme on dit. Tâcher de convaincre tout le monde que le bio, c’est aussi une manière de lutter contre les problèmes liés à la suralimentation et à la malbouffe. A Saint-Etienne, toujours, on sert plus de fruits et de légumes, on limite les matières grasses et les additifs chimiques. On frôle la perfection. Enfin pour ceux qui renâcleraient, rappelons que puisque même les animaux ont droit à d’exquises gammes bio pour le miam-miam, pourquoi pas notre progéniture ?

Libération


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