A Copenhague, la douche froide
Article mis en ligne le 19 décembre 2009

NDLR :
Le document prévoit de limiter le réchauffement planétaire à 2 degrés par rapport aux niveaux pré-industriels !! Comment ??

Les grandes puissances se sont entendues sur un texte qui ne prévoit aucune réduction chiffrée des gaz à effet de serre. Une déclaration qui, en plus, n’a pas encore été validée par l’ensemble des pays présents.

José Manuel, Barroso, Angela Merkel, Nicolas Sarkozy, Barack Obama et Gordon Brown lors d’une réunion le 18 décembre 2009 à Copenhague. (© AFP Steffen Kugler)

Plus de douze heures après l’heure prévue de sa clôture, la conférence des Nations unies sur le climat poursuivait samedi matin ses débats à Copenhague, sans s’accorder sur l’avenir de la lutte contre le réchauffement.

La veille au soir, un texte sur le climat, jugé « insuffisant » de l’aveu même du président Barack Obama, a été obtenu in extremis vendredi soir par les grandes puissance à Copenhague, où les chefs d’Etat de la planète ont dû jouer les prolongations. Mais cette déclaration politique associe moins d’une trentaine de pays – elle associe essentiellement les Etats-Unis, l’Europe, et les grands pays émergents comme la Chine, l’Inde, l’Afrique du Sud et le Brésil – et faisait toujours samedi matin l’objet de débats parfois amers entre les délégations.

Cette « déclaration politique » des leaders, destinée à servir de « chapeau » à un accord plus global, visait à débloquer les négociations menées sous l’égide de l’ONU. Elle reste soumise à l’adoption par consensus de la conférence des Nations unies (193 pays) après d’ultimes ajustements.

Obama, qui a quitté la capitale danoise avant cette adoption formelle, a notamment reconnu qu’un accord avec des engagements légalement contraignants serait « très difficile » à obtenir et prendrait du temps. Le président mexicain Felipe Calderon, qui présidera la prochaine conférence l’an prochain à Mexico, disposera d’un mandat pour conduire l’accord de Copenhague vers un traité contraignant au plus tard fin 2010.

De nouvelles négociations auront également lieu à Bonn « dans six mois » pour préparer la prochaine conférence climat de Mexico fin 2010, a indiqué le président français Nicolas Sarkozy, seul dirigeant européen à s’être exprimé à ce stade.

Le document prévoit de limiter le réchauffement planétaire à 2 degrés par rapport aux niveaux pré-industriels, l’objectif affiché de la conférence sur le climat. Pour avoir une chance d’y parvenir, les scientifiques estiment qu’il faut réduire les émissions mondiales de gaz à effet de serre d’au moins 50% d’ici 2050. Or, cet objectif, qui a figuré sur l’un des textes de travail et qui a été élaboré au cours de la journée, n’a finalement pas été retenu dans la dernière version. Cela constitue une « déception », a reconnu Nicolas Sarkozy.

La Chine et les autres grands pays émergents refusent obstinément de souscrire à cet objectif tant que les pays industrialisés ne réhausseront pas leurs ambitions pour leurs propres réductions d’émissions d’ici 2020. Ils ont encore jusqu’au 1er février pour le faire, selon le document. Et le ministre français de l’Environnement, Jean-Louis Borloo, assurait que le Japon et la Russie avaient donné leur accord pour réhausser les leurs, tandis que l’Europe était prête à passer de -20 à -30% en 2020. Avec ce texte, juge-t-il, les Etats « se sont mis en mouvement ».

Sur le financement, les pays industrialisés s’engagent collectivement à apporter « des ressources nouvelles et supplémentaires » aux pays les plus vulnérables d’un montant total de 30 milliards de dollars sur trois ans. Les Etats-Unis se sont engagés à verser 3,6 milliards de dollars. Le texte prévoit aussi que l’enveloppe s’élèvera progressivement à 100 milliards de dollars d’ici à 2020, en priorité au profit des pays les plus vulnérables.

Reste que ce texte a été négocié en secret, derrière des portes closes, en contradiction avec les règles multilatérales des Nations unies. « La réalité, ajoutait-il, c’est que si on avait laissé faire le système ONU, il était impossible d’arriver à quoi que ce soit ». « Les chefs d’Etat auraient dîné ensemble (chez la reine, jeudi) puis on se serait retrouvé en plénière pour constater l’échec », après douze jours de négociations.

« Pour le moment, il n’y a pas d’accord », a insisté samedi le délégué soudanais Lumumba Stanislas Dia-Ping, dont le pays préside le G77 (130 pays en développement), juste un projet de déclaration qui doit encore être entériné, soulignant que la Chine ne s’était « pas prononcée officiellement ». « Si un seul pays dit “non”, il n’y aura pas d’accord et de nombreux pays ont dit qu’ils refuseraient », a-t-il affirmé. La déclaration obtenu est, selon lui, « le pire de l’histoire ».

Les ONG environnementales ont immédiatement dénoncé à l’unisson un véritable fiasco : « Pas de contrainte, aucun objectif à 2020 ni à 2050 : difficile d’imaginer pire conclusion pour la conférence de Copenhague », déplore Greenpeace. Nnimmo Bassey, président de l’ONG Les Amis de la Terre, a dénoncé un « échec abject » : « En retardant le passage à l’action, les pays riches ont condamné des millions de pauvres à la faim, la souffrance et la mort avec l’accélération du changement climatique ». « C’est une panne du système onusien », a lâché l’expert français Pierre Radanne, qui conseille depuis plusieurs années les pays africains dans les négociations climat.

(Source AFP)
Libération