Mesdames et Messieurs,
La politique de l’eau est la politique écologique la plus fondamentale. Pourquoi ?
Parce que l’eau est plus qu’un bien public. Elle est un bien précieux car préalable à la vie, à la santé et au développement. L’eau donne à la dignité humaine toute sa dimension. La première expression en est certainement de pouvoir boire et de se laver.
L’eau est donc un droit consubstantiel aux Droits de l’Homme…
Elle doit être regardée, respectée et protégée comme tel. Cela veut dire : transparence, qualité et humanité. Il ne peut y avoir d’écologie sans transparence.
Les Citoyens sont en droit d’exiger que nous soyons irréprochables en matière de gestion de l’eau…
Et lorsque je dis nous, ce sont autant les collectivités territoriales que l’Etat.
Ils attendent la plus grande transparence sur la performance des services publics d’eau et d’assainissement. D’ailleurs, preuve en est la récente consultation sur les projets de SDAGE au cours de laquelle 400.000 de nos concitoyens se sont exprimés.
Beaucoup de chemin a été parcouru en la matière.
Avec la loi Sapin sur la transparence des procédures de renouvellement de contrat.
Avec l’obligation d’un rapport annuel sur le prix et la qualité des services.
Ce à quoi, nous pourrions ajouter les commissions consultatives des services publics locaux dans les collectivités territoriales les plus importantes.
Bref, c’est tout un dispositif cohérent qui s’est progressivement mis en place. Il demeurait toutefois à bien des égards perfectible. L’évaluation du service en est un exemple…
Nous nous y sommes donc attelés. Nous avons demandé à l’Office National de l’Eau et des Milieux Aquatiques de mettre en place un référentiel commun à l’ensemble des partenaires du secteur de l’eau.
C’est depuis deux ans, le chantier de l’observatoire des services publics d’eau et d’assainissement.
Avec le décret et l’arrêté du 2 mai 2007, nous avons introduit l’obligation pour les services d’eau et d’assainissement de rendre compte annuellement des caractéristiques du service et d’indicateurs de performance. C’est l’évolution et le détail du prix de l’eau, la performance technique et environnementale du service, le rendement des réseaux ou la conformité de traitement des eaux usées.
Cet observatoire est un projet fondateur.
Trois chiffres en témoignent :
36.700 communes,
Plus de 30.000 services d’eau et d’assainissement concernés
Plus de 60 millions d’usagers…
Un projet fondateur, parce que nous voulons faire de cet observatoire un véritable outil des collectivités locales. Elles pourront se comparer avec d’autres services et disposeront d’un suivi inter annuel de la performance de leur service.
Mais aussi des usagers. A compter d’aujourd’hui, l’observatoire rend accessible, sur Internet, les données publiques. Il fournit des grilles de lecture pour mieux comprendre le lien entre le prix et la performance associée au prix.
Permettez-moi tout particulièrement de féliciter l’ONEMA pour le travail accompli depuis 2007, un travail qui n’aurait pas pu être possible sans les opérateurs publics et privés, les associations d’élus et de consommateurs.
Connaître la situation du service de l’eau est indispensable mais pas suffisant. Nous devons garantir sa qualité et donc sa performance.
La performance
Cela tombe bien, c’est le thème de cette table ronde.
Etre performant, c’est ne plus tolérer une perte moyenne de 25% dans un réseau de distribution d’eau. La lutte contre le gaspillage est une priorité. Certaines collectivités territoriales conduisent, depuis des années, des politiques tout à fait innovantes en la matière. Et qui plus est, avec des résultats quantifiables. Elles montrent le chemin à suivre. Je souhaite que l’ensemble des collectivités territoriales l’empruntent. Nul ne saurait être dispensé de préserver notre ressource commune.
C’est d’ailleurs l’esprit du projet de loi Grenelle II qui entend imposer à chaque collectivité de connaître ses réseaux et de mesurer ses pertes d’eau. Et si le résultat n’est pas suffisant, engager un plan d’action comportant les travaux nécessaires.
Etre performant, c’est aussi être pragmatique.
La performance d’un service est une notion complexe. Elle ne saurait être résumée à un indicateur unique ou par le seul prix pratiqué -comme certains ont eu la tentation de le faire par le passé…
En fait, c’est un peu comme au décathlon : on ne juge pas la performance sur une seule épreuve…
C’est donc sur la base d’une batterie d’indicateurs que l’on doit mesurer la performance des services d’eau et d’assainissement. C’est là tout l’intérêt des rapports des maires sur le prix et la qualité de leur service et de l’Observatoire : rendre accessible ces informations et proposer des éléments de synthèse entre services comparables.
C’est ici que je formulerai deux objectifs particuliers pour cet observatoire :
D’ici deux ans, 80% des français devront avoir un accès en ligne aux données de leur service d’eau et d’assainissement.
Dans quatre ans ce devra être 100% de nos concitoyens.
C’est ambitieux, mais c’est atteignable. Je compte donc sur vous tous pour y parvenir, voire faire mieux !
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Mesdames, Messieurs,
Je ne terminerai pas mon propos sans un mot d’humanité. D’abord sur l’accès à l’eau des personnes les plus démunies.
Chaque année des milliers de ménages se retrouvent confrontés à des difficultés pour payer leur facture d’eau. Et en tant que maires, vous le savez mieux que quiconque. C’est à vous qu’ils s’adressent en premier, quand ils osent en parler.
Malheureusement, le sujet n’est pas nouveau : la loi DALO et la loi ENL ont déjà renforcé les dispositions en vigueur mais son actualité n’a jamais été aussi pressante.
Le « droit d’accéder à l’eau potable dans des conditions économiquement acceptables par tous » est inscrit dans la loi, depuis 2006.
Le temps est venu de le traduire dans les faits.
Au delà du règlement des situations d’urgence, c’est la question du poids de la facture d’eau dans le revenu des ménages qui est en jeu. La part des dépenses d’eau et d’assainissement dans le budget des ménages français ne devrait pas dépasser le seuil de 3% fixé par l’OCDE.
C’est ici une question de responsabilité morale et politique.
Des initiatives voient le jour pour faire avancer les débats. J’en veux pour preuve les propositions du sénateur CAMBON et celle, plus récente, de quelques parlementaires réunis autour de Mme BUFFET.
Cela montre que la sensibilisation est forte sur ce sujet, ce qui est une bonne chose… Mais je souhaite ici que l’on ne multiplie pas les propositions de loi sur une question pour laquelle nous devons trouver un consensus.
Et vous me permettrez de rendre un hommage appuyé à André FLAJOLET et Daniel MARKOWITCH. Leur action à la présidence du comité national de l’eau et à la présidence du comité consultatif sur les services public d’eau et d’assainissement est remarquable. Ils sont de ceux qui travaillent, avec conviction et opiniâtreté sur cette question de justice sociale.
Nous sommes ici devant un sujet qui n’est pas aussi simple qu’il y paraît. Il ne s’agira pas d’inventer des systèmes dont le coût de gestion dépasse le montant des aides effectivement apportées aux bénéficiaires.
C’est pourquoi nous avons souhaité que le Comité national de l’eau se saisisse de ce sujet et je compte vraiment sur ses propositions qui me seront faites lors de sa séance du 15 décembre prochain.
Et je vous le dis très clairement : sur ce sujet, le Gouvernement prendra toutes ses responsabilités le moment venu. Jean-Louis BORLOO et moi-même sommes prêts à défendre un projet d’amendement au projet de loi Grenelle 2 destiné à aider les personnes pour qui l’eau est devenue « trop chère ».
Cette reconnaissance du droit d’accès à l’eau doit être universelle.
Car aujourd’hui, près d’un milliard d’êtres humains est privé d’eau potable. Plus de 2,5 milliards n’ont pas accès à un assainissement de base. Au total, 2 millions de personnes meurent chaque année des maladies liées à l’absence d’eau ou à l’eau souillée. C’est dix fois plus que toutes les guerres dans le monde.
Il est donc urgent d’inscrire l’eau au « patrimoine commun de l’Humanité ». C’est l’un des objectifs que se fixe la France lors du prochain forum mondial de l’eau qui se déroulera à Marseille, en 2012.
Mesdames, Messieurs,
Notre politique en matière de gestion et de gouvernance de l’eau est ancienne. Elle est singulière.
C’est aussi, pour cela, qu’elle est souvent copiée.
Elle le restera si nous sommes capables de l’adapter aux enjeux qui sont devant nous. La transparence, la performance mais aussi la justice sociale sont de ceux-là.
Notre responsabilité est collective. Elle est engagée devant nos concitoyens.