Ecologie : le Grenelle lâche la bride aux bétonneurs en catimini
Article mis en ligne le 9 septembre 2009
dernière modification le 10 août 2009

article de rue 89

Attendue depuis longtemps par les défenseurs de l’environnement, la loi Grenelle I, survendue par le gouvernement comme le gage de son engagement pour la planète, supprime la nécessité d’un « avis conforme » de l’architecte des bâtiments de France pour les projets immobiliers en zone de protection du patrimoine architectural urbain et paysager (ZPPAUP).

L’architecte des bâtiments de France est un empêcheur de bétonner en rond bien connu des promoteurs. Son pouvoir est énorme dans les ZPPAUP, dans lesquelles aucun projet ne pouvait voir le jour sans son « avis conforme ». En adoptant la loi « Grenelle I » le 23 juillet, le législateur vient de muer ce pouvoir en « avis simple », qui pourra être outrepassé.
La clef de voute de la protection du patrimoine

Mais que fait cette mesure dans la loi sur le Grenelle ? Elle y a été introduite à la hâte, après avoir été invalidée au sein de la loi pour l’accélération des programmes de construction et d’investissement votée en février.

A l’époque le Conseil Constitutionnel avait jugé qu’il s’agissait d’un cavalier parlementaire (un article de loi qui introduit des dispositions qui n’ont rien à voir avec la loi en question). Quelques mois plus tard, les députés l’ont introduite dans la loi Grenelle, les sénateurs l’en ont rejetée, avant qu’elle ne soit réinjectée finalement en commission mixte parlementaire, à une voix près !

Le motif officiel, alors invoqué lors des débats parlementaires pour justifier cette mini-libéralisation, était que les architectes des bâtiments de France se montrent trop regardants sur les projets photovoltaïques…

Mais le changement émeut l’Association nationale des villes et pays d’art et d’histoire, qui a écrit le 22 juillet au ministre de la Culture pour lui demander « de tout mettre en oeuvre pour que cette décision puisse être reconsidérée dans l’immédiat ou, au plus tard, à l’occasion de l’examen de la loi Grenelle II ».

Estimant que le projet est susceptible de porter atteinte « à la protection du patrimoine dans des centaines de villes qui se sont précisément engagées dans des politiques volontaires de préservation », l’association d’élus locaux interpelle Frédéric Mitterrand :

« La motivation de ceux qui ont emporté ce choix me paraît liée bien davantage à quelques différends locaux qu’à la vision globale qui doit être celle de votre ministère. »

Les maires en première ligne

Pour l’association des villes et pays d’art et d’histoire, l’enjeu dépasse de loin la simplification administrative d’un dispositif ZPPAUP que les communes apprécient parce qu’il les implique activement dans la gestion de leur patrimoine urbain. Dans une lettre écrite à Jean-Louis Borloo le 27 mai, l’association liste 6 arguments.

L’un rappelle que l’architecte des bâtiments de France engage l’Etat, ce qui assure une cohérence nationale au droit dans les ZPPAUP :

« Sans règle commune à tous les territoires, c’est l’avis de l’ABF qui garantit la cohérence, l’unicité d’une vision politique culturelle sur l’ensemble du territoire. »

Mais surtout, l’association craint une loi laissant les élus locaux seuls face aux promoteurs, avec tous les risques induits de pressions, qu’elles soient électorales, financières, voire même judiciaires. L’association relève une autre conséquence du changement, juridiquement pas neutre :

« Dans la pratique, si l’avis du maire qui délivre l’autorisation d’urbanisme est différent de l’avis simple de l’ABF, cela ouvre un risque de contentieux a posteriori auprès du tribunal administratif et non auprès de la commission ad hoc. »

Mais au-delà de la responsabilité des maires, l’association des villes et pays d’art et d’histoire lève le plus gros lièvre de la suppression de l’avis conforme :

« Une telle loi laisserait sans protection l’abord des monuments historiques en ZPPAUP [dans lesquelles] le périmètre de protection des monuments historiques inscrits ou classés a été supprimé puisque les pouvoirs de l’ABF sur les permis de construire et de démolir dans le périmètre sont encadrés par l’avis conforme du fait de la ZPPAUP ».