En trois ans, 17 millions d’euros : les lucratifs « ménages » de Blair
Article mis en ligne le 5 juin 2010
dernière modification le 4 octobre 2014

L’ex-Premier ministre est nommé conseiller « vert » d’une société de la Silicon Valley. Il enchaîne les contrats grassement rémunérés.

(De Londres) Il y a une vie après la politique. Tony Blair n’a jamais été aussi occupé que depuis qu’il a quitté le 10, Downing Street, en juin 2007. Côté public, il joue les diplomates de haut vol, en tant que représentant du « Quartet » pour le Proche-Orient, un poste ronflant où il est censé faire parler d’une seule voix l’ONU, les Etats-Unis, la Russie et l’Union européenne sur le conflit israélo-palestinien.

Un redoutable homme d’affaires

En coulisse, Tony Blair est devenu un redoutable homme d’affaires. Mémoires, conférences, consulting, tous les prétextes sont bons pour gagner de l’argent. Beaucoup d’argent.

Son dernier trophée, l’ex-Premier ministre l’a décroché en Californie. Il a été nommé mardi 25 mai conseiller de Khosla Ventures, une société de capital-risque de la Silicon Valley spécialisée dans les technologies vertes.

« Il y a des opportunités énormes dans les technologies vertes, que vous soyez à Londres ou en Californie, en Chine ou en Inde », plaidait Tony Blair l’année dernière. Aujourd’hui, il passe à la pratique en sautant lui-même sur l’une de ces opportunités, commente The Independent.

Le montant du contrat avec Khosla Ventures n’a pas été révélé, mais si l’on compare avec ses autres engagements, on peut parier sans risque sur un salaire à six chiffres.

La presse britannique évalue à 17 millions d’euros la fortune accumulée par Tony Blair depuis sa démission du poste de Premier ministre, modestement rémunéré 167 000 euros annuellement.

* La retraite : Tony Blair perçoit 75 000 euros annuels en tant qu’ancien Premier ministre. Il touche également une allocation de près de 100 000 euros pour faire fonctionner son bureau privé. Il faut ajouter à cette somme la protection rapprochée dont il continue à bénéficier, qui coûte chaque année, selon le Daily Mail, deux millions d’euros au contribuable britannique.

* Couverture des mémoires de Tony BlairLe contrat d’édition : en 2007, Tony Blair a reçu une avance de 5,4 millions d’euros pour ses mémoires. « Tony Blair, le voyage », sortira en septembre 2010. Le livre est déjà en prévente sur le site de l’éditeur, Random House (dirigé par l’épouse de l’ancien « Monsieur sondage » de Downing Street).

* Les conférences : Tony Blair est l’un des orateurs les mieux payés du monde. Il a reçu 410 000 euros le mois dernier pour deux interventions à Kuala Lumpur et à Singapour, dans le cadre d’un forum sur la réussite. Le Daily Mail a calculé que cela équivalait à 1 600 euros la minute.

On peut « booker » Tony Blair auprès du Washington Speakers Bureau, une agence spécialisée qui gère ses interventions avec un contrat d’exclusivité. « Le prix dépend du lieu de l’événement » précise l’agence sur son site, avec cette description du « produit » :

« Tony Blair, l’un des dirigeants internationaux les plus respectés et les plus admirés ces cinquante dernières années, offre une analyse inestimable sur les problèmes mondiaux les plus difficiles et les plus complexes. »

* Le consulting : Tony Blair cumule son nouvel emploi dans la Silicon Valley avec au moins quatre autres casquettes de consultant. Il cachetonne à Wall Street, auprès de la banque JP Morgan Chase, pour un salaire annuel estimé à 2 millions d’euros. Il conseille également Zurich Financial Services, pour 580 000 euros.

Daily MailL’instance chargée de surveiller le passage dans le privé d’anciens ministres a révélé qu’il dispensait également ses bons conseils au gouvernement du Koweit, moyennant des émoluments de plus d’un million d’euros.

La même commission a également rendu public un job de consultant pour le groupe pétrolier sud-coréen UI Energy Corporation, présent en Irak.

Pour encaisser ses émoluments de consultant, l’ex-dirigeant travailliste a créé début 2009 une société commerciale, « Tony Blair Associates ». Une première. Aucun ancien Premier ministre britannique n’avait jamais aussi ouvertement affiché la couleur, note le Times. Mais l’instance de contrôle a donné son feu vert à la mise en place d’une telle structure.
Bénévolat pour les « bonnes œuvres »

Curieusement, aucune de ces lucratives activités n’est mentionnée sur le site officiel de Tony Blair. Ici, on préfère mettre l’accent sur les actions bénévoles de l’ancien Premier ministre auxquelles il consacre, précise son bureau, « la grande majorité » de son précieux temps.

En plus de sa prestigieuse fonction de représentant du Quartet pour le Proche-Orient, il a créé quatre fondations :

1. pour promouvoir la bonne gouvernance en Afrique,
2. pour encourager le dialogue inter-religieux,
3. pour soutenir le sport chez les jeunes britanniques défavorisés
4. et pour favoriser les négociations sur le climat.

Au Royaume-Uni, les activités caritatives de Tony Blair n’émeuvent plus grand monde. Avec son image d’aspirateur à billets de banque, l’ancien héros du New Labour n’a plus la cote. Chez les travaillistes, en pleine introspection après la cuisante défaite électorale du 6 mai, on revendique un droit d’inventaire sur les années Blair.

Photos : Tony Blair pose pour une séance photo après une interview pour Reuters télé à Londres le 1er avril (Toby Melville/Reuters) ; Ccuverture de l’autobiographie de Tony Blair (Random House) ; Daily Mail, 19 mars 2010 ; parodie d’une affiche électorale des conservateurs, avec Tony et Chérie Blair soutenant les réductions d’impôts pour les multimillionnaires (DR)

article de rue89