Si la taxe carbone a été revue a minima, elle ne gagne pourtant pas en efficacité. Malgré la taxation des industries très polluantes, point positif de la nouvelle version, les PME pourraient devenir les grandes perdantes du système.
Gerald Maradan, directeur général d’EcoAct
La chaîne Energie : La nouvelle mouture de la taxe carbone vous paraît-elle plus équitable ?
Gérald Maradan : Le projet de loi de la taxe carbone a été revu à minima. Certes, il intègre désormais les industries très polluantes, ce qui va permettre de se rapprocher de l’objectif de taxer près de 70% des émissions de CO2. Jusqu’à présent, la moitié seulement des émissions étaient soumises au système de la taxation. Sauf que les agriculteurs et les transporteurs routiers sont toujours en grande partie exclus de la loi. Surtout, le projet comporte encore des failles très importantes. Les gaz à effet de serre hors carbone ne sont toujours pas pris en compte. Or il faudra bien un jour que le gouvernement s’attaque au problème du méthane dont les impacts sur le climat pourraient être près de 25 fois plus importants que ceux du carbone, d’après certains scientifiques. Par ailleurs, l’électricité n’est toujours pas prise en compte dans l’assiette de la taxe. Le gouvernement ne cesse de répéter que le nucléaire n’est pas émetteur de CO2. Ce qui n’est qu’en partie vrai. La France pour faire face à ses pics de consommation d’électricité – lesquels sont de plus en plus fréquents – fait de plus en plus souvent appel à des moyens de production très polluants, comme les centrales à charbon. Elle est même ponctuellement devenue importatrice d’électricité notamment en provenance d’Allemagne : une électricité qui n’est pas d’origine nucléaire !
Qui seront les perdants de la taxe carbone ?
Le système tel qu’il est proposé est une toujours véritable usine à gaz qui va à l’encontre des préconisations du rapport Rocard : celui-çi stipulait à juste titre que la simplicité serait garante de l’efficacité. Nous en sommes loin ! Plus grave, les petites entreprises vont rester les grandes perdantes du système. Selon les simulations gouvernementales, la taxe est indolore pour 58,7% des entreprises françaises ; 37% y gagnent et 4,2 % y perdent. Parmi les 128 000 perdantes, 42 000 entreprises concentrent 85% des pertes. Ces « perdants significatifs » sont majoritaires parmi les entreprises dont le chiffre d’affaires est compris entre 2 et 10 millions d’euros. Les PME seront les victimes de la taxe carbone !
Propos recueillis par Béatrice Mathieu