Quand l’économie se met au service de l’écologie
Article mis en ligne le 10 février 2010

Avec France Inter, la chronique de Bernard Maris. Nicholas Stern, l’auteur du rapport sur le réchauffement climatique du même nom, applique l’économie à l’écologie. Parce que l’analyse « coûts/bénéfices » est plus efficace que la « protection de la nature »...

Aujourd’hui au Collège de France, se déroulera la leçon inaugurale de Nicholas Stern sur le développement durable.
« Lord Nicholas Stern » est un économiste, mathématicien à l’origine, puis spécialisé dans l’économie du développement. Le Kenya, l’Inde, furent des pays qu’il étudia particulièrement. Professeur d’Université, Chef Economiste à la Banque mondiale, ex-bras droit de Gordon Brown avec lequel il n’a pas toujours eu d’excellents rapports. Il est membre de la commission Stiglitz sur les nouveaux instruments de mesure du progrès, mais il est surtout connu pour son fameux rapport sur le réchauffement climatique publié en 2006. C’est ce rapport qui l’a rendu célèbre...

Un économiste célèbre

Bien entendu il n’a pas découvert le réchauffement climatique, mais il est le premier à avoir dit : « lutter contre le réchauffement vous fera faire des économies ». Autrement dit, en termes de coûts, ça va vous coûter très cher, si, comme toujours, vous laissez faire et jetez votre CO2 dans l’air qu’on respire, comme on jette ses déchets par la fenêtre d’une voiture.

Il est le premier à avoir appliqué l’économie la plus basique, la plus bête on a presque envie de dire, à cette question très passionnelle et émotionnelle qu’est le réchauffement climatique. Il fait de l’utilitarisme ras des paquerettes, Nicholas Stern. Mais ça marche. Car il frappe les sceptiques au portefeuille. Et apparemment le portefeuille conduit directement au cerveau chez l’homo oeconomicus occidentalus. Quand je pollue l’air avec ma voiture en fonçant à 200 à l’heure, ça ne me coûte rien, se dit l’égoïste lambda ; mais si, ça va te coûter très cher, répond Stern. Et Il fait une analyse coûts-bénéfices : les coûts du laissez-faire, les bénéfices de l’intervention.

Les coûts du laissez-faire

Stern donne un chiffre : 5500 milliards d’euros. Donc si vous faites attention, vous allez économiser... 5500 milliards d’euros, avec en plus, des avantages collatéraux non négligeables. Une économie économe est aussi par définition une économie plus productive, donc plus compétitive ; et en plus, c’est une économie qui se tourne vers de nouvelles technologies, donc qui stimule l’invention. Et qui dit invention, dit nouvelles entreprises, nouveaux entrepreneurs, dynamisme, création, n’en jetez plus.

Deuxième avantage, vous luttez contre la pauvreté : car ce sont les plus pauvres qui vont pâtir le plus du réchauffement. Alors, vous vous dites, égoïsme pour égoïsme, restons entre riches, et vive la fonte des neiges. Sauf que tous ces pauvres, il faudra un jour les gérer !

Lutter contre le réchauffement a également des coûts

Nicholas Stern donne un chiffre, précis : 1% du PIB mondial par an, et on s’en sort. Et ce 1% est largement récupéré par la nouvelle croissance. De toutes façons, c’est ou la nouvelle croissance, ou l’épuisement des énergies fossiles.

Bien entendu le rapport Stern a été incroyablement critiqué et vilipendé, d’abord pour son utilitarisme primaire, mais il a eu le mérite de frapper les esprits. On a le sentiment que tant qu’on ne dit pas au gens « combien ça coûte », ils ne font rien. Et c’est vrai qu’on n’a pas le sentiment que le CO2 dans l’air, qu’on ne voit pas et ne sent pas, ait une incidence ; reste que le concept de développement durable, relève un peu de l’oxymore : comment développer ce qui doit durer ? Comment développer ce qui est fondé sur la stabilité ?

Le développement durable, autrement dit la nouvelle croissance, même peinte en vert, est loin de satisfaire tous les écologistes.