La permaculture fait son entrée dans le dictionnaire ! La permaquoi ?
Article mis en ligne le 19 novembre 2009
dernière modification le 12 novembre 2009

Article intéressant sur un mode d’agriculture.

Qui en France connaît la permaculture ? Science, mode de pensée ou philosophie, la permaculture a été conceptualisée il y a près de 40 ans en Australie. Elle s’est popularisée dans les pays anglo-saxons (Australie, États-Unis, Angleterre [1].), mais a peiné à se faire connaître dans les pays francophones. Jusqu’à maintenant.

La permaculture est en train de déferler en France, l’année 2009 ayant vu le premier festival francophone de permaculture réunissant 500 personnes, et l’introduction du mot dans l’édition 2010 du Petit Robert [2] , qui nous dit que la permaculture est un « mode d’aménagement écologique du territoire, visant à concevoir des systèmes stables et autosuffisants et à produire de la nourriture en renforçant l’écosystème. ». On craignait le pire tant définir la permaculture est compliqué. La définition tombe assez juste, mais voyons plus en détail ce qui se cache derrière ce terme, et qu’une simple définition en deux phrases ne peut par principe pas révéler.

La permaculture est une science de conception de cultures, de lieux de vie, et de systèmes agricoles humains utilisant des principes d’écologie et le savoir des sociétés traditionnelles pour reproduire la diversité, la stabilité et la résilience des écosystèmes naturels [3].

Le but de la permaculture est de créer, par une conception (design) réfléchie et efficace, des sociétés humaines respectueuses de la Nature et des Hommes. Le terme a été défini dans les années 70 par Bill Mollison et David Holmgren.

À l’origine, la permaculture s’est surtout focalisée sur les systèmes agricoles, car « sans agriculture durable, il ne peut y avoir d’organisation sociale stable » [4] ; de là vient sans doute l’assimilation courante de la permaculture à une simple technique d’agriculture ou de jardinage La permaculture est également souvent confondue avec l’agriculture naturelle de Masanobu Fukuoka, popularisée en France par Emilia Hazelip et sa culture synergétique sur butte., alors qu’elle concerne tous les éléments d’une société.

L’éthique de la permaculture

Pour apporter un cadre de réflexion et d’action en accord avec son but, la permaculture se base sur une éthique, décomposée en trois grands principes [5] :

 Se soucier de la Terre

Prendre en compte le sol, la forêt et l’eau

Nous faisons partie d’un système plus vaste qui est la biosphère terrestre. Toute forme de vie est intrinsèquement importante, et chaque atteinte à la diversité génétique est une menace pour nous. Nos activités et lieux de vie doivent être en harmonie avec les écosystèmes locaux.

 Se soucier de l’Homme


S’occuper de soi, de sa famille et de sa communauté

Les systèmes permaculturels visent à combler les besoins fondamentaux des Hommes dans un environnement permettant leur épanouissement. La coopération et la mise en commun sont deux axes clefs des relations humaines.
Partager équitablement

Limiter sa consommation, se reproduire avec sagesse, et redistribuer les surplus.

Nous devons réduire notre emprise sur la planète, les écosystèmes où l’Homme n’est pas présent ayant toute leur légitimité [6]. L’établissement de systèmes permaculturels doit permettre de réduire notre empreinte, sans que ce gain ne soit annulé par une consommation ou une population plus élevée.

L’éthique nous permet de « voir les choses du point de vue d’autrui, sur une échelle de temps plus grande et sur une plus grande distance » [7]. Elle apporte à la permaculture une dimension philosophique, voir spirituelle pour certains.

 Une vision systémique

La particularité de la permaculture par rapport à la plupart des disciplines scientifiques actuelles est sa vision systémique. Plutôt que d’étudier les éléments constituant un système pour comprendre ce système, la permaculture s’attache aux connexions entre ces éléments. On ne peut pas comprendre la forêt en étudiant séparément les arbres, les insectes, les bactéries, le sol, etc., mais en observant les relations fonctionnelles entre ces éléments, qui font de la forêt plus qu’une simple somme d’arbres, un véritable écosystème autorégulé .
Foret comestibleLa forêt comestible copie les caractéristiques des forêts, comme l’occupation de l’espace en strates (grands arbres, buissons, lianes, etc.) et du temps (succession écologique), pour avoir leurs propriétés (résilience, stabilité …) tout en ayant une production directement utile à l’Homme (fruits, noix …) plus abondante, grâce au choix de variétés comestibles.

Pour concevoir des systèmes humains qui respectent son éthique, la permaculture s’appuie sur des systèmes dont les propriétés sont désirées. Parmi ces systèmes se trouvent les écosystèmes naturels (forêts, prairies sauvages, etc.) qui sont très efficaces pour utiliser les éléments dont ils ont besoin (énergie, eau, nutriments) et qui ont la propriété d’être durables, stables et résilients ; ainsi que certaines sociétés traditionnelles et tribales, dont le mode de vie suit l’éthique permaculturelle, et qui ont développé des techniques durables basées sur une connaissance pointue de leur environnement.

L’étude des caractéristiques (structures, interactions, modèles, etc.) de ces systèmes par des disciplines scientifiques telles que l’écologie ou l’ethnobiologie fournit des principes généraux de conception et permet de développer des techniques adaptées aux conditions locales et actuelles (cultures, climats, technologies, etc.).
La conception (design) en permaculture

Le cœur de la permaculture est sa méthode de conception [8] de systèmes humains, qui est le reflet de son éthique et de sa vision systémique.
PlanZones et secteurs
Cycle de la matière organiqueRéseauÉléments de conception de la propriété de David Holmgren : Plan, zones et secteurs, cycle de la matière organique, noeuds d’activité [9].

En permaculture, la conception consciente et intentionnelle de systèmes intégrés consiste à placer chaque élément d’un système de façon à ce qu’il soit connecté de manière optimale aux autres éléments, c’est à dire là où ses besoins seront comblés et ses productions utilisées [10]
.

Le but d’un design est de maximiser les connexions entre les éléments, ce qui permet de réduire la pollution (qui est une production non utilisée par le système) et d’économiser l’énergie (qui est un besoin non fourni par le système).

Par soucis d’efficacité, un élément devrait remplir plusieurs fonctions. Par exemple une mare peut servir à la pisciculture, refléter la lumière, accumuler de la chaleur, servir en cas d’incendie, etc. Par principe de sécurité, les fonctions importantes devraient être remplies par plusieurs éléments (redondance). Par exemple un chauffage solaire peut être doublé d’un chauffage d’appoint (chaudière à bois).

Une conception permaculturelle prend en compte et met en relation un grand nombres d’éléments :

* du site : eau, sol, paysage, climat et végétation
* sociétaux : aides légales, personnes, culture, commerce et finance
* énergétiques : technologie, structures, sources, connexions
* abstraits : temps, données, éthique

Outils d’analyse

La permaculture fournit plusieurs outils d’analyse qui peuvent être utilisés lors d’une conception. Ces outils servent à savoir où placer et comment connecter les éléments du système. Les secteurs et les zones sont deux outils emblématiques de la permaculture :

Le zonage prend en compte l’attention et l’énergie humaines nécessitées par un système. Les systèmes les plus intensifs, comme les plantes aromatiques ou le jardin potager seront placés en zone 1, proche du lieu de vie. Plus on s’éloigne du lieu de vie, plus l’influence humaine est faible. En zone 2, on pourra placer les petits animaux et les vergers, en zone 3 les céréales, le bétail et les arbres à noix, en zone 4 les cultures fourragères et forestières. La zone 5 est une zone laissée sauvage.

Le concept des secteurs prend en compte les influences extérieures, comme les vents froids et chauds, l’ensoleillement, la pollution sonore ou visuelle, les risque d’incendie ... Le design visera à réduire les nuisances (haies, systèmes coupe-feu, ...) et à bénéficier des avantages (belle vue, prise en compte de l’ensoleillement pour une construction bioclimatique).

Il existe d’autres méthodes ou outils de conception. Par exemple l’une d’entre elles consiste à mettre sur des bouts de papiers les éléments du système (mare, poulailler ...) et des relations (sur, à côté, autour, dans ...) et de faire des tirages pour voir si les connexions sont pertinentes (poulailler sur mare) ! [11]

 Permaculture et société

A l’origine la permacuture s’est concentrée sur l’entretient des terres et de la nature. La fleur de la permaculture, par David Holmgren

Mais l’éthique et les principes de conception sont applicables aux sept domaines fondamentaux définissant une société, représentés par des pétales de la fleur permaculturelle imaginée par Holmgren. À chaque domaine correspond un ensemble de techniques pouvant être utilisées dans une conception permaculturelle, comme par exemple l’agriculture biologique, le recyclage ou l’architecture bioclimatique.

La spirale représente l’intégration de ces domaines par la permaculture, qui ne se limite pas à une certaine vision de la société, ni à un ensemble de techniques, mais qui est l’utilisation de la pensée systémique et des principes de conception pour combiner ces techniques afin de réaliser cette vision.
Que faire ?

Cette introduction à la permaculture ne prétend pas couvrir toute la richesse qui se cache derrière ce terme. Aussi, voici quelques pistes à poursuivre :

Se former : des cours d’initiation à la permaculture de deux jours, ainsi que des stages plus complets de 72h (généralement sur dix jours) sont dispensés en France. Pour plus de détails sur ces formations et leurs dates, rendez-vous sur le site de l’Université Populaire de Permaculture.

S’informer : certains ouvrages (trop peu nombreux) sur la permaculture sont disponibles en français :

* Graines de permaculture, de Patrick Whitefield, est une introduction généraliste bien adaptée au néophyte.
* Permaculture 1 et 2, de Bill Mollison et David Holmgren, sont les livres fondateurs. Ils sont difficilement trouvables car plus réédités.

Pour les anglophones, voici une courte sélection d’ouvrages :

* Introduction to Permaculture. Vulgarisation complète de la permaculture par l’un de ses fondateurs.
* Gaia’s Garden, A Guide to Home-Scale Permaculture, de Toby Hemenway (222 p). Ouvrage sur la permaculture appliquée au jardin.
* The Earth Care Manual, A Permaculture Handbook for Britain and other Temperate Climates, de Patrick Whitefield (450 p). Guide complet adapté au continent européen.

Agir : vivre une vie responsable en suivant l’éthique permaculturelle. Intégrer la vision systémique et les principes de conception de la permaculture pour (ré)aménager des systèmes agricoles, d’habitation, financiers, humains durables et inspirants.

Cet article est une version légèrement modifiée de l’article « Définition de la permaculture » publié sur mon blog.