Le ras-le-bol des écolos face aux pubs pour les voitures « vertes »
Article mis en ligne le 20 septembre 2009
dernière modification le 22 septembre 2009

NDLR : Allez voir les vidéos de certains constructeurs, ça mérite le coup d’oeil.

Rue 89.

Les constructeurs se défendent de pratiquer le « greenwashing », mais les associations dénoncent un contrôle insuffisant.

Que penser du nouveau slogan de Renault « Changeons de vie, changeons l’automobile » lancé en grande pompe au salon de Francfort, qui se tient jusqu’au 27 septembre et où la voiture électrique est la star ?

Le même Renault qui avait osé demander à la navigatrice Ellen Mac Arthur de lancer à tous vents : « Je rêve qu’un jour la voiture ne laisse plus de trace sur la planète » pour vanter sa gamme de voitures peu polluantes. (Voir la vidéo)

Comme nous l’avions remarqué dans notre « best of des pubs les plus écolo-mensongères », en réalité, Eco2 n’est autre qu’un label auto-décerné par Renault pour des voitures qui émettent moins de 120g de CO2/km (l’objectif que l’Europe s’est fixé pour 2012) et qui intègrent des matériaux recyclés.

De même, les satisfecit du gouvernement qui se gargarise du « bon bilan » de la charte signée en 2008 pour une publicité « écoresponsable » en laissent certains dubitatifs. Le président de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité, Jean-Pierre Teyssier assure que :

« En dépit d’un recours de plus en plus important à l’argument écologique dans les publicités (multiplié par 5,5 en trois ans), le taux de manquement [aux règles déontologiques, ndlr] a été divisé par deux entre 2006 et 2009. »

Un secteur qui s’autosanctionne sur ses propres règles

Petit problème pour ce bilan : il est auto-décerné par les professionnels de la publicité. Quand on regarde du coté de l’Obervatoire indépendant de la publicité (OIP), le son de cloche est très différent : pour les salariés de WWF qui animent ce site, l’éco-blanchiment en matière automobile n’est pas en recul, au contraire.

Pour preuve, la directive européenne de 1999 qui demande que les émissions de CO2 soient affichées sur les publicités pour les voitures ne l’est jamais. Et ce, dans l’indifférence générale.

Publicité pour le 4x4 Q7 d’Audi (DR)Dans la prochaine campagne d’analyse participative lancé sur le site de l’OIP, les internautes seront invités à se prononcer par exemple sur la pub pour le 4x4 Q7 d’Audi. Parce que cette voiture réduit 90% ses émissions de NOx la marque lance un slogan massue :

« Difficultés respiratoires, hyperréactivité des bronches, bronchiolites infantiles. On continue à ne rien faire ou on se décide à agir ? »

Pour Jacques-Olivier Barthes, directeur de la communication du WWF et animateur du site indépendant de l’OIP, « Audi Volkswagen multiplie ces temps-ci les provocations scandaleuses, et il va falloir que ça s’arrête ».

Publicité pour le cabriolet 308 de Peugeot (DR)Les constructeurs français ne sont pas en reste, comme Peugeot, qui dans sa pub pour la 208 cabriolet, vante des appuie-têtes chauffants pour rouler cheveux au vent en hiver…
Les écolos ridiculisés par Volkswagen

Récemment, une publicité pour la Passat BlueMotion a exaspéré les écologistes. Jean-Marc Gancille, co-fondateur du Collectif des publicitaires pour l’éco-innovation et responsable du marketing créatif chez Inoxia, estime que « le pas de trop dans la transgression publicitaire élitiste, autosatisfaite et totalement inconsciente de l’impact pernicieux de son message » a été franchi. (voir la vidéo)

« On ne peut pas vivre sans rejeter de CO2, tâchons déjà d’en rejeter un peu moins », dit la pub. Jean-Marc Gancille :

« Cette pub commet une erreur scientifique grossière et instille l’idée que l’impact des énergies fossiles sur le changement climatique est non seulement d’une nocivité toute relative mais aussi inévitable. Elle discrédite ce faisant toute approche alternative en dénigrant des éco-citoyens caricaturés en idéologues sectaires, bornés et rétrogrades. »

Alban Callet, en charge du budget Volkswagen pour l’Agence V, qui a conçu ce spot, s’explique :

« Désolé si on a blessé, la forme peut être critiquable, mais le fond est honnête et à l’inverse du greenwashing. Volkswagen dit qu’on ne peut pas changer le monde, mais qu’on y travaille avec des moyens existants, le but n’est pas de prendre gens pour des idiots mais de dire que le respect de l’environnement, ce n’est pas de la science-fiction. »

Ils ne vont pas dire : « acheter ma voiture parce qu’elle est belle »

Faudrait-il aller jusqu’à rendre quasi-impossible l’utilisation d’arguments écologiques dans la publicité pour les voitures, comme c’est le cas en Norvège ?
L’ARPP estime que « l’automobile est probablement le secteur le plus clean sur plan déontologique car hyper surveillé, par l’Etat, les écolos… ». Son directeur général Joseph Besnaïnou explique :

« Si on va au bout de la logique : les publicitaires n’ont pas le droit de mettre une jolie fille sur le capot (depuis 1975), ni d’utiliser l’argument de la vitesse ou de la puissance (depuis 1988), et depuis un an et demi on ne peut plus montrer des véhicules roulant sur des zones non carrossables, pour ne pas inciter à détruire l’environnement…

Donc c’est compliqué : il faut bien qu’ils disent quelque chose, ils ne vont pas se contenter de dire “acheter ma voiture parce qu’elle est belle”… »

Et de mettre en avant le principe de base du métier, la « parabole » : la publicité ce n’est pas de l’information, c’est donner envie de s’intéresser au produit.

Laurent Terrisse, qui a quitté l’agence TBWA non-profit pour fonder son agence de communication responsable, Limite et rejoint le Collectif des publicitaires pour l’éco-innovation, met en garde les publicitaires :

« ils ont trop tendance à penser à ce qui est rentable à court terme, comme Audi qui pense toucher les esprits en évoquant la bronchiolite à l’approche de l’automne, mais ils devraient penser à ne pas être perdants à long terme, car leurs campagnes rebondissent sur Internet et sont ensuite analysées par les associations et les consommateurs ».

Si un constructeur venait lui confier son budget pour vanter les mérites d’une voiture, il ferait comme Honda Civic qui avait embauché un humoriste canadien pour parler différemment de la voiture, en s’en moquant, d’une façon apaisée, sans fascination. Ça fonctionne assez bien. (Voir la vidéo)